Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/126

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devoirs civiques et à la liberté ! Venez, mon père, venez ! la milice bourgeoise doit être à cette heure assemblée sous les piliers des halles ; vous êtes Connétable et moi Dizainier, ne nous faisons pas attendre !




Fergan prit son casque, et bientôt, donnant le bras à Jehanne-la-Bossue de même que Colombaïk donnait le sien à Martine, et Quatre-Mains-le-Talmelier à sa femme Simonne, les trois couples sortirent de la tannerie de Colombaïk suivis de ses apprentis, qui faisaient aussi partie des communiers. La rivalité de sonneries continuait toujours ; de temps à autre les cloches des églises cessaient leur carillon, espérant sans doute avoir lassé le branle du beffroi ; mais son tintement sonore et régulier continuant de se faire entendre, le carillon clérical recommençait avec un redoublement de furie. Cet incident, puéril en apparence, grave au fond, car son intention était manifeste, produisait dans la cité un vif mécontentement contre les épiscopaux. Le trajet à parcourir depuis la tannerie de Colombaïk jusqu’aux piliers des halles, rendez-vous de la milice bourgeoise, était assez long ; la foule encombrait les rues, se dirigeant vers l’hôtel communal, en construction depuis trois ans et récemment achevé. La fonte et la pose du beffroi dans son campanile avaient seules retardé l’inauguration de ce monument, si cher aux citadins. Plus d’une fois Jehanne-la-Bossue se retourna, non sans inquiétude, vers son fils, qui la suivait avec Martine, précédant Quatre-Mains-le-TalmeIier et sa femme ; les craintes de Jehanne étaient fondées : beaucoup de serviteurs appartenant aux clercs ou aux nobles se mêlaient à la foule, et de temps à autre lançaient quelque injure grossière contre les communiers, après quoi ils fuyaient à toutes jambes ; des chevaliers revêtus de leurs armures traversaient les rues à cheval, le poing sur la hanche, la visière haute, jetant sur le populaire et la bourgeoisie des regards de dédain ou de défi. Ces provoca-