Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/132

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calme méprisant ; les uns menaçaient du poing, les autres de leurs armes les épiscopaux, dont les rires redoublaient à l’aspect de l’irritation populaire ; soudain Jean Molrain, le maire, s’élançant sur l’un de ces bancs de pierre placés près des portes des maisons, et dont l’on se sert pour enfourcher plus facilement les chevaux, demanda le silence, et, d’une voix retentissante, dit ces paroles qui arrivèrent aux oreilles des Épiscopaux : — Frères et conjurés de la commune de Laon, ne répondez pas à d’impuissants outrages ! que l’on ose attaquer notre commune par des actes, et non par des paroles, alors, nous, votre maire, nous, vos échevins, nous citerons le coupable à notre tribunal, et il sera fait justice de nos ennemis… oui, énergique et prompte justice ! Jusque-là, répondons aux provocations par le dédain ; l’homme, résolu et fort de son bon droit, méprise les injures… à l’heure du jugement, il condamne et punit !

Ces paroles sages et mesurées calmèrent l’agitation de la foule, mais elles parvinrent aux oreilles des nobles, rassemblés sur la terrasse de la maison du seigneur de Haut-Pourcin, et excitèrent leur courroux ; ils menacèrent les communiers du bâton et de l’épée en redoublant leurs insultes. — Vos épées ne sont pas assez longues ! elles ne nous atteignent pas ! — cria Colombaïk-le-Tanneur en passant avec ses miliciens au pied du balcon crénelé ; — descendez dans la rue ! alors nous verrons si le fer pèse plus dans la main d’un bourgeois que dans celle d’un chevalier !

À cet appel, les Épiscopaux, malgré leur bravoure, ne répondirent que par de nouveaux outrages ; peu nombreux, ils auraient été saisis et emmenés prisonniers par les miliciens. Le cortége, un moment arrêté dans sa marche, se remit en route et arriva sur la place où s’élevait l’hôtel communal ; cet édifice, la joie, l’orgueil des artisans et des bourgeois, car il symbolisait leur affranchissement ; cet édifice, vaste et beau bâtiment récemment construit, formait un carré long ; d’élégantes sculptures ornaient sa façade et les linteaux de ses nombreuses fenêtres et de son parvis composé de trois arcades ogivales