Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/140

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bourgeois, venant des faubourgs et se dirigeant vers la porte de la ville, afin d’aller assister sans doute à la cérémonie annoncée par le beffroi de ces pendards, passèrent devant le palais ; en voyant sortir de céans une femme encapuchonnée, ces coquins se sont mis à rire malignement, en se poussant le coude et continuant leur chemin, moi, je cours à eux et leur dis : « — De quoi riez-vous ? chiens de communiers ! » — Ils me répondent avec insolence, m’appellent bourreau de l’évêque ; je tire mon poignard, je frappe l’un d’eux au bras, car il a paré le coup, et tandis que ses compagnons l’entourent en beuglant : qu’ils vont aller demander justice à la commune, je rentre et referme sur moi la porte ; par Mahom ! je suis content de ce que j’ai fait ; j’ai vengé mon maître des insultes de ces maudits !

— Oui, Jean-le-Noir a bien agi ! — s’écrièrent les gens de l’évêché ; — nous ne pouvons sortir sans être honnis par les bourgeois de Laon !

— L’autre jour, — s’écria un des fauconniers, — le boucher de la rue du Change, l’un des échevins de cette commune du diable, a refusé de me donner à crédit de la viande pour les faucons de notre seigneur l’évêque !

— Il nous faut maintenant, dans les tavernes, payer avant de boire !

— Est-ce qu’il en était ainsi il y a trois ans ?

— Oh ! c’était le bon temps ! tout homme de l’évêché prenait sans payer ce qu’il voulait chez les marchands, et pas un de ces musards n’osait seulement souffler.

— Souffler ! on les aurait assommés ! Ah ! c’est qu’aussi nous étions les maîtres alors !

— Mais depuis leur commune ensabbatée, ce sont les bourgeois qui sont maîtres. Au diable la commune ! vive l’ancien temps !

— Oui, au diable les communiers ! Ils nous font crever de malehonte pour notre seigneur évêque, — dit l’un des jeunes serfs qui naguère s’exerçaient au maniement des armes ; et s’adressant résolument