Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’échevins, de guerriers ; l’on a commencé par rire de vos sottises, dans l’espoir que vous reviendriez au bon sens ; mais, à la longue, voyez-vous, l’on se lasse. Le moment est venu de mettre fin à ces saturnales ; donc, croyez-moi, bonnes gens, afin d’éviter un juste châtiment, et que les choses se passent paisiblement, revenez de vous-mêmes à l’humilité de votre condition ; faites de vos robes d’échevins des cottes pour vos femmes, remettez vos armes aux gens qui savent les manier, apportez respectueusement à l’Église, en manière d’hommage expiatoire, votre assourdissant beffroi ; il augmentera la sonnerie de la cathédrale, votre superbe bannière servira de nappe d’autel, et quant à votre magnifique sceau d’argent, fondez-le pour acheter quelques tonnes de vin vieux, que vous viderez au rétablissement de la seigneurie de votre évêque en Jésus-Christ ; de la sorte tout ira bien, bonnes gens, le passé vous sera pardonné, à la condition que vous serez désormais soumis, humbles, repentants devant l’Église, la noblesse et la royauté, et que vous renoncerez de vous-mêmes à votre peste de commune. »

Anselme avait écouté l’évêque de Laon avec un mélange de surprise, d’indignation et de profonde anxiété, ne cherchant pas à interrompre le prélat, et se demandant comment cet homme, auquel, malgré ses crimes, il ne pouvait refuser ni esprit, ni sagacité, s’aveuglait assez sur les hommes et sur les choses pour concevoir des projets tels que les siens. L’émotion de l’archidiacre était si profonde qu’il garda le silence pendant quelques moments ; enfin il dit à l’évêque, d’une voix grave et pénétrée : — Ainsi tu m’engages à conseiller aux habitants de Laon de renoncer à leur Charte ? Cette Charte, que toi et eux vous avez consentie et jurée d’un commun accord ?

— Cette convention a été conclue, pendant mon voyage en Angleterre, par le chapitre et le conseil de chevaliers qui gouvernaient en mon absence.