Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/148

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un moment contrainte par les paroles de l’archidiacre Anselme, et le prélat s’écria : — Par Dieu ! il vient à propos ce bourgeois ! Amène-le…

— Et sa femme aussi, — dit le noir en s’éloignant, — ce sera le contre-poison. — Puis, sans attendre la réponse de son maître, il disparut.

— Prends garde ! — dit Anselme de plus en plus alarmé, — prends garde ! les échevins sont élus par les habitants ; ce serait la plus mortelle injure que de violenter l’homme de leur choix !

— Assez de remontrances, — s’écria Gaudry avec une hautaine impatience ; — tu oublies trop que je suis ton évêque !

— Ce sont tes actes qui me le feraient oublier ; mais c’est au nom de l’épiscopat, au nom du salut de ton âme, au nom de ta vie, que je t’adjure de ne pas allumer un incendie que ni toi ni le roi ne pourrez éteindre !

— Quoi ! — reprit l’évêque de Laon avec un ricanement féroce ; — quoi ! cet incendie l’on ne l’éteindrait pas ? même dans le sang de ces manants révoltés ?

Le prélat venait de prononcer ces exécrables paroles lorsque entra Ancel-Quatre-Mains-le-Talmelier, accompagné de sa femme Simonne, et précédé de Jean-le-Noir, qui, les laissant au seuil de la porte, sortit en souriant d’un air cruel. L’échevin était pâle, ému ; mais la bonhomie ordinairement empreinte sur ses traits avait fait place à une expression de fermeté réfléchie ; cependant, il faut l’avouer, son casque, placé fort en arrière sur sa tête, son ventre gonflé au-dessous de son corselet de cuir, donnaient au citadin une apparence presque grotesque, dont fut surtout frappé l’évêque de Laon ; aussi, partant d’un éclat de rire mêlé de colère et de dédain, s’écria-t-il, en montrant l’échevin à l’archidiacre : — Voilà donc l’échantillon de ces preux hommes qui doivent faire trembler et reculer les évêques, les chevaliers et les rois ?

L’échevin et sa femme, qui se serrait contre lui, s’entre-regardè-