Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/167

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velle confirmation de votre charte, et qu’il inclinait à accepter, Gaudry a offert le double de cette somme à Louis-le-Gros pour obtenir de lui l’abolition de la commune.

— Et, dans sa cupidité, le roi a profité de cette enchère infâme ?

— Hélas !

— Rien ne devrait étonner de la part des rois ; mais enfin le serment que Louis-le-Gros a juré ? sa signature, son sceau apposés sur notre charte ? tout cela est donc mis à néant ?

— En vertu de son pouvoir épiscopal de lier et de délier ici-bas, l’évêque a délié le roi de son serment.

— Et Gaudry qui délie si complaisamment les autres de leur serment, s’est sans doute lui-même délié du sien ?

— Oui.

— Soit. Ce roi croit recevoir le prix du sang de cette malheureuse cité ; car, crois-moi, Anselme, nous défendrons jusqu’à la mort nos libertés communales ! Mais enfin cet argent ? Louis-le-Gros ne le touchera même pas, cet honnête prince est larronné : le trésor de l’évêque est vide ; car s’il veut rétablir ses droits seigneuriaux sur les ruines de nos franchises, c’est que sa prodigalité égalant sa cupidité, il est à bout de ressources. Comment le roi, ce trafiquant toujours si bien avisé, a-t-il pu croire aux promesses de Gaudry ?

— Son pouvoir seigneurial rétabli comme par le passé, l’évêque frappera sur les habitants, redevenus taillables et corvéables à merci, un impôt pour payer la somme promise au roi, et celui-ci prêtera main-forte à l’évêque pour lever l’impôt !

— Malédiction ! — s’écria Fergan avec fureur ; — ainsi nous aurons payé pour obtenir notre affranchissement ! et nous payerons encore pour retomber en servitude !

— Fergan, je le sais, les projets de l’évêque sont aussi criminels qu’insensés ; mais la folie et le crime font verser le sang ! Aussi, je t’en supplie, efforce-toi de calmer l’effervescence populaire lorsque tout à l’heure la résolution du roi sera connue…