Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/187

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pagne, et la voyant près de Fergan, il s’écria, en s’approchant de lui avec intérêt : — Quoi ! voisin, tu es blessé ?

— Oui ; aussi ai-je consenti de grand cœur à la proposition de ta chère femme ; j’avais le crâne fendu sans mon casque. — Puis, relevant sa tête, jusqu’alors baissée pour faciliter le pansement de Simonne, qui, à l’aide de ses ciseaux, coupait dextrement plusieurs mèches de la chevelure du blessé, collées par le sang caillé aux abords de la plaie, Fergan remarqua l’accoutrement peu guerrier de son ami, et lui dit : — Quoi ! tu as quitté ton armure au moment de la bataille ?

— Ma foi, compère, le casque me tombait toujours sur le nez, le corselet me sanglait le ventre à crever, mon épée s’empêtrait dans mes jambes ; aussi, l’heure du combat venue, je me suis mis à l’aise, ainsi que je suis dans mon pétrin quand je pétris ma pâte, j’ai retroussé mes manches, et, au lieu de cette diable d’épée, dont je ne sais point me servir, je me suis armé de mon fourgon de fer, dont le maniement m’est familier.

— Ton fourgon ? et que pouvais-tu faire de ton fourgon à la bataille, mon digne voisin ?

— Ce qu’il en faisait ? — reprit Simonne en imbibant, du contenu de son vase recouvert d’osier, un linge qu’elle appliqua sur la blessure du carrier. — Oh ! oh ! Ancel n’est point manchot ; s’il venait un noble à cheval, armé de toutes pièces, mon mari vous l’attrappait par le cou avec le crochet de son long fourgon, et puis il tirait de toutes ses forces, je l’aidais s’il le fallait ; et presque toujours, désarçonnant ainsi le noble chevalier, nous le jetions à bas de son cheval…

— Ensuite de quoi… — ajouta tranquillement le talmelier, — après avoir abattu mon homme avec le croc de mon fourgon, je l’assommais avec le manche ! Eh ! eh !… que veux-tu, compère, on fait ce qu’on peut et comme on peut !

— Ah ! voisin, — reprit Simonne avec enthousiasme, — c’est