Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/190

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attendre à voir Louis-le-Gros revenir assiéger la ville à la tête des renforts qu’il est allé quérir. Aveuglés par la haine et ne pouvant croire à une résistance sérieuse de notre part, bourgeois et manants que nous sommes, les Épiscopaux se sont trop hâtés ; ils ont cru pouvoir se passer de l’appui de Louis-le-Gros ; mais il reviendra bientôt !

— Je le crois, — reprit l’échevin avec résignation et fermeté, — Jean Molrain l’a dit au messager royal : « — Le roi des Français est tout-puissant en Gaule ; la commune de Laon n’est forte que de son bon droit et du courage de ses habitants. » — Donc, Fergan, vienne Louis-le-Gros avec son armée, nous le recevrons de notre mieux !

— Merci de vos soins, bonne voisine, — dit Fergan à Simonne ; — ma pauvre Jehanne sera jalouse.

— C’est plutôt à moi d’être jalouse ; car, en passant dans notre rue, nous avons vu la salle basse de votre maison remplie de blessés autour desquels s’empressaient votre femme et Martine.

— Chères âmes ! combien elles doivent être inquiètes ! — dit Fergan ; — je vais aller les rassurer, puis je reviendrai veiller à notre défense. — L’entretien de Fergan et d’Ancel fut troublé par des cris et des huées accompagnés des clameurs joyeuses qui s’élevèrent dans l’une des cours de l’évêché, livré au pillage et à la dévastation. Les insurgés se vengeaient non moins du parjure de Gaudry que des odieuses exactions et des cruautés dont ils avaient cruellement souffert avant l’établissement de la commune ; les uns défonçant les tonnes du cellier, s’enivraient des vins précieux de l’évêque, dîme abondante autrefois prélevée par lui sur le vignoble des vilains ; d’autres, amoncelant les tentures, les meubles de son appartement au milieu de l’une des cours, mettaient le feu à cet entassement d’objets de toutes sortes ; d’autres, enfin, et les clameurs joyeuses de ceux-là venaient d’interrompre l’entretien du carrier et du talmelier, d’autres, enfin, s’emparant des vêtements sacerdotaux et des insignes