Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/194

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sont passés ! De légitimes et terribles représailles à Noyon, à Cambrai, à Amiens, à Beauvais, ont, comme ici, jeté l’épouvante dans l’Église et les seigneuries ; ces saintes, trois fois saintes insurrections, ont prouvé aux descendants des conquérants que manants, artisans et bourgeois ne se laisseront plus impunément tailler à merci et miséricorde, larronner, torturer, supplicier ! Non, non, je te l’ai dit, nos plus mauvais jours sont passés ; mais notre descendance aura encore de sanglantes batailles à livrer avant l’avénement glorieux de ce beau jour prédit par Victoria-la-Grande !

— Et pourtant, tout nous seconde en ce jour ?

— Crois-en mon expérience et mes prévisions : Louis-le-Gros va prochainement revenir à la tête de forces redoutables ; la mort, si juste, de cet infâme évêque Gaudry va déchaîner contre notre cité les fureurs de l’Église ; les foudres de l’excommunication seconderont les armes royales. Donc, nous succomberons, non sous l’excommunication, on s’en rit, mais sous les troupes de Louis-le-Gros ; nos plus vaillants hommes seront tués à la bataille ou bannis, suppliciés, après la victoire du roi, soit. L’on impose à Laon la seigneurie d’un autre évêque ; on abat notre beffroi, on brise notre sceau, on déchire notre bannière, on pille notre trésor ; les Épiscopaux, appuyés par le roi, se vengent de leur défaite avec une haine féroce, la terreur règne dans la ville…

— Hélas ! alors, tout est perdu !

— Enfant ! — reprit Fergan avec un sourire mélancolique ; — on tue des hommes, on ne tue pas les idées d’affranchissement ! lorsque ces idées ont pénétré tous les cœurs. Voyons ! Louis-le-Gros, le nouvel évêque, les nobles, si cruelle que soit leur vengeances, massacreront-ils tous les habitants de Laon ? Non, ils laisseront toujours vivre le plus grand nombre des communiers, ne fût-ce que pour les écraser de taxes. Les mères, les sœurs, les femmes, les enfants, de ceux qui seront morts pour la liberté vivront aussi. Oh ! sans doute, pendant quelque temps l’épouvante sera profonde, le