Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/221

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sie, finit par rire de l’aventure, surtout lorsque la brunette Adelinde, la dernière confessée, lui eut dit : — Moi, j’ai pour bel ami le plus glorieux des trouvères, c’est vous nommer Mylio, dame prêtre.

Marphise, riant toujours. — Ah ! pauvres amies, si ces malins jongleurs, Adam-le-Bossu-d’Arras, ou Audefroid-le-Bâtard, savaient notre histoire, demain elle se chanterait sur toutes les violes et courrait les châteaux !

Églantine. — Que veux-tu dire ?

La chanoinesse. — Maintenant, décide, Marphise ; combien en est-il parmi nous qui aient un clerc pour bel ami ?

Marphise. — Pas une !

Églantine. — Et combien en est-il qui aient un chevalier pour bel ami ?

Marphise. — Pas une ! (Les onze femmes s’entre-regardent en silence et fort surprises.) Ah ! chères amies, nous avons été indignement jouées ; nous avons toutes le même bel ami ! oui, ce scélérat de Mylio-le-Trouvère nous a trompées toutes les douze !

La révélation de Marphise jette d’abord la stupeur, puis le courroux dans la gentille assemblée ; ces belles n’ont pas eu, comme la dame d’Ariol, le loisir de s’habituer à la découverte et d’en philosopher. Toutes les bouches demandent vengeance ; la Chanoinesse invoque la justice de madame Sainte-Marie, mère de Dieu, contre la félonie de Mylio ; Églantine, dans son désespoir, s’écrie qu’elle se fera dès le lendemain Bernardine… dans un couvent de Bernardins ; Ursine, arrachant son chapel de glaïeuls, le foule aux pieds et jure par ses jarretières qu’elle se vengera de cet effronté ribaud. Puis toutes se demandent par quel sortilège diabolique ce scélérat a pu si longtemps, si souvent et si admirablement dissimuler son infidélité ; ce souvenir redouble la fureur des nobles dames ; Marphise, qui d’abord a ri de l’aventure, sent sa colère se ranimer et s’écrie : — Belles amies, notre cour d’amour tient demain justement son dernier plaid d’automne, le traître sera sommé de comparoir devant notre