Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/257

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où tu étais toléré parmi les chevaliers et les abbés ? toi, fils de vilain, toi, fils de serf, sans doute ! car la bassesse de ton langage d’aujourd’hui ne révèle que trop l’ignominie de ton origine.

Mylio, avec amertume. — Tu dis vrai ; je suis de race serve... Depuis des siècles ta race asservit, dégrade et écrase la mienne ; oui, tandis qu’ici vous discutez effrontément en langage raffiné de sottes ou obscènes subtilités amoureuses, des milliers de pauvres serves n’entrent dans la couche de leurs époux que souillées par les seigneurs au nom d’un droit infâme ! Oh ! d’avoir oublié cela, je m’accuse… trois fois je m’accuse !

Marphise. — Cet humble aveu est une preuve de la grandeur de ton insolence et de ton ingratitude.

Mylio. — Tu dis encore vrai ; cruellement ingrat j’ai été envers ma famille, lorsqu’il y a quelques années, entraîné par la fougue de la jeunesse, j’ai quitté le Languedoc, pays de liberté, pays de mœurs honnêtes, laborieuses ; fortuné pays qui a su, abaissant les seigneuries, reconquérir sa dignité, son indépendance, et secouer, grâce à l’hérésie, le joug de l’Église catholique…

Maître Œnobarbus, le rhéteur-théologien, avec courroux. — Quoi ! tu oses glorifier le Languedoc, ce pays ensabbaté ! ce foyer de pestilence hérésiarque !

Foulques, seigneur de Bercy, avec emportement. — Le Languedoc ! ce pays maudit, où sont encore debout ces exécrables communes populacières, dans lesquelles les Consuls bourgeois, élus par les manants, sont tout… et les seigneurs rien !

Mylio, fièrement. — Oui, je m’accuse d’avoir quitté cette noble et valeureuse province, pour venir en ces contrées opprimées, corrompues, avilies, charmer par des chants licencieux, dont j’ai honte, cette noblesse ennemie de ma race !

Ces fières paroles de Mylio soulèvent l’indignation des seigneurs ; Peau-d’Oie, craignant d’être victime du courroux général en sa qualité de compagnon du trouvère, profite du tumulte pour se retirer à