Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naître les mœurs de ces hérétiques du Languedoc contre qui l’on déchaîne tant de fureurs ! Vous êtes à Lavaur, ville florissante du pays d’Albigeois, située non loin d’Alby. Sacrovir-le-Brenn, fils de Colombaïk, et comme lui artisan tanneur, ayant amassé un petit pécule, est venu s’établir, avec sa femme et ses enfants, non loin de Lavaur, vers l’année 1060. En ce pays, il acheta un bien de terre qu’il cultiva, aidé de ses deux fils ; l’un mourut sans enfants ; l’autre eut pour fils Conan-le-Brenn, père de Karvel-le-Parfait et de Mylio-le-Trouvère. La scène se passe dans l’humble et riante demeure de Karvel, située à l’extrémité de l’un des faubourgs de Lavaur, ville forte distante d’environ sept lieues de Toulouse, capitale du marquisat de ce nom, dont le titulaire était alors Raymond VII. Karvel-le-Brenn exerce la profession de médecin. Il a affermé l’héritage de son père un métayer qui occupe avec sa famille une partie de la maison, l’autre est réservée à Karvel et à sa femme. Vous voyez une vaste chambre dont l’étroite fenêtre, garnie de petits vitraux enchâssés de nervures de plomb, s’ouvre sur une prairie traversée par la rivière de l’Agout, qui coule non loin des remparts de la ville ; une grande table, couverte de parchemins, occupe le milieu de la chambre ; sur des tablettes placées le long du mur sont rangées des vases contenant des feuilles, des fleurs ou des sucs de plantes médicinales ; un fourneau garni de différents vases de cuivre sert à la distillation de certaines herbes, soin dont s’occupe Morise, épouse de Karvel, tandis que celui-ci, penché sur la table, consulte différents manuscrits sur l’art de guérir. Karvel a environ trente-six ans ; sa belle figure est surtout remarquable par son expression de haute intelligence et d’adorable bonté. Une longue robe de drap noir, largement échancrée autour du cou, laisse voir les plis de sa chemise, fermée par des boutons d’argent. Sa femme Morise est âgée de trente ans ; ses cheveux blonds, tressés en nattes, encadrent son aimable visage ou, grâce à un heureux mélange, l’enjouement s’allie à la douceur et à la fermeté. Soudain elle interrompt son travail, reste un moment