Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/271

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Morise. — Et puis quelle mâle éducation elle donne à son fils ! jamais je n’oublierai ce jour où Aloys, atteignant sa douzième année, fut conduit à l’hôtel de ville de Lavaur, par Giraude qui dit à nos consuls : « Mes amis, soyez les tuteurs de mon fils ; son père l’aurait élevé comme il l’a été lui-même, dans le respect de vos franchises communales ; le seul privilége qu’il réclamera un jour de vous, sera de marcher au premier rang, si la ville était attaquée, ou de vous offrir refuge dans notre château ; mais, grâce à Dieu, nous continuerons à jouir de la paix, et mon fils, suivant l’exemple de son père, fera valoir nos biens avec ses métayers, aussi ce sera fête à Lavaur, lorsqu’il aura tracé dans nos champs son premier sillon, guidé par notre plus vieux laboureur, car Aloys s’honorera toujours de mettre la main à la charrue nourricière ! »

Karvel. — Sais-tu qu’il n’était pas de plus savant agriculteur que le châtelain de Lavaur ? de tous côtés on venait lui demander conseil… Ah ! quelle différence entre les seigneurs du nord de la Gaule et ceux de notre heureuse contrée ! les premiers ne songent qu’à briller dans les tournois, à afficher un luxe ruineux, qu’ils ne soutiennent qu’en accablant leurs serfs de taxes écrasantes ; ici, hormis quelques fous, les seigneurs, presque tous issus de la bourgeoisie, font valoir leurs terres de gré à gré avec leurs tenanciers, ou équipent des vaisseaux pour le commerce… Aussi, quelle prospérité ! quelle richesse ! en notre fortuné pays !

Morise. — Aimery ne nous disait-il pas encore hier : « Le Languedoc fait l’envie de la Gaule entière ! »

Karvel. — À propos d’Aimery, avoue, Morise, que rien n’est plus touchant que l’affection ineffable qui l’unit à sa sœur Giraude ! Aussi, lorsque je les vois jouir tous deux de ce sentiment délicieux, je regrette plus vivement encore l’absence de notre Mylio.

Morise. — Patience ! son cœur est bon… Sa première fougue passée, il nous reviendra.

Karvel. — Oh ! je n’en ai jamais douté. Il a cédé à l’ardeur de