Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/282

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Aimery. — Amie, calme tes craintes !

La dame de Lavaur. — Hélas ! je ne suis pas une héroïne ; je vis de mon amour pour mon fils et pour toi, et quand je pense que toi, lui… vous, Karvel, et tant d’autres amis bien chers à mon cœur, vous pouvez dans cette guerre horrible… — (Elle s’interrompt, embrasse de nouveau son fils avec passion en murmurant :) — Oh ! j’ai peur… j’ai peur !

Aloys. — Ma bonne mère, ne crains rien ! nous te défendrons !

La dame de Lavaur. — Tais-toi ! tu es fou !… Dès ce soir nous fuirons avec mon frère… Nous irons nous embarquer à Aigues-Mortes… Vous viendrez avec nous, Karvel, Morise…

Aimery. — Fuir ! pauvre sœur ! Et qui défendra la ville et le château de Lavaur, dont ton fils est seigneur ?

La dame de Lavaur. — Que ces prêtres s’emparent de notre château, de nos biens, peu m’importe, pourvu que mon enfant et toi vous me restiez !

Aimery. — Mais, ma sœur, la prise de la ville et du château, c’est la ruine, c’est la mort de tous ses habitants et des gens des campagnes, qui vont s’y réfugier à la première nouvelle de la croisade ?

La dame de Lavaur. — C’est vrai, je perds la raison… Pardon mon frère, pardon, mes amis ; c’était lâche ce que je disais là… Mais, mon Dieu, quel mal leur avons-nous donc fait, à ces prêtres ?

Le métayer, entrant. — Messire Aimery, un de vos serviteurs, arrive du château où viennent de se rendre plusieurs de vos amis ; ils ont hâte de vous entretenir de choses très-graves ; ainsi que dame Giraude.

Aimery. — Plus de doute, la nouvelle apportée par Mylio se confirme !

Karvel, à la dame de Lavaur. — Courage, Giraude ! les cœurs amis, les dévouments fermes ne vous manqueront pas.

La dame de Lavaur, essuyant ses larmes. — Adieu, bon Karvel ! plaignez ma faiblesse, j’en ai honte !