Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/289

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exalter jusqu’à l’héroïsme la résistance du peuple contre cette croisade sans pitié ni merci. Viens à mon aide… seconde-moi dans cette noble entreprise.

Peau-d’oie. — Eh ! Mylio, ma pauvre vielle, au lieu d’accompagner mes chants, éclaterait toute seule… de rire entre mes mains, si elle m’entendait prendre le ton héroïque… Non, non, à ta harpe le laurier des batailles ; et à mon humble vielle un rameau de pampre ou un bouquet de marjolaines.

Karvel, à Peau-d’Oie. — Notre hôte, croyez mon frère… S’il a charmé par ses chants l’oreille des riches, vous avez charmé l’oreille des pauvres ; de même aussi vous ferez battre leur cœur si vous leur dites les maux affreux dont notre pays est menacé par cette croisade prêchée contre nous.

Peau-d’oie. — Digne hôte, que de ma vie je ne touche à un broc de vin si je saurais quoi chanter sur un pareil sujet !

Florette, timidement. — Mylio… si j’osais…

Mylio. — Parle, douce enfant.

Florette. — Je vous ai entendu dire pendant la route que ce méchant moine de Cîteaux, l’abbé Reynier, à qui, grâce à vous, Mylio, j’ai échappé, était l’un des chefs de la croisade…

Mylio. — Oui, sans doute.

Florette. — Il me semble que si maître Peau-d’Oie racontait dans une chanson comment ce méchant moine, l’un des chefs de cette guerre entreprise au nom du seigneur Dieu… a voulu abuser d’une pauvre serve…

Peau-d’oie, frappant joyeusement dans ses mains. — Florette a raison… La Friture de l’abbé de Citeaux ! voilà le titre de la chanson… Tu te souviens, Mylio, des paroles de ce dom ribaud se rendant au moulin de Chaillotte ? Ah ! par ma vielle ! je le salerai, je le poivrerai si rudement, ce chant, que ceux qui l’auront goûté, eussent-ils le palais épais comme celui d’une baleine, se sentiront le furieux appétit d’assommer ces sycophantes ! Quoi ! ces hypocrites,