Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/292

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drissement et celui des fiancés. Peau-d’Oie lui-même ne peut retenir une larme, qu’il essuie du bout de son doigt ; puis bientôt, revenant à sa joyeuseté habituelle, il s’écrie : — Corbœuf ! maître Karvel, excusez la sincérité du vieux Peau-d’Oie, mais il lui semble qu’au nord, comme au midi de la Gaule, dans le pays de la Langue-d’oïl comme dans celui de la Langue-d’oc, il n’est point de noces sans repas. Or, croyez-moi, ce soir, le festin des épousailles ; demain, l’inscription du mariage aux registres de la cité ; et après-demain matin, Mylio et moi, nous partons pour prêcher l’anticroisade à notre façon… (S’adressant à Morise.) Ah ! douce dame Vertu ! voilà de vos coups : je suis poltron comme un lapin, et pour vous plaire, je m’en vais prêcher la guerre avec ma vielle pour clairon. Mais, voire-Dieu, je me sens si furieusement disposé à chanter mon chant de guerre, que d’avance mon gosier se sèche !

Karvel, souriant. — Heureusement, notre hôte, nous avons ici certain vieux baril de vin de Montpellier que nous allons mettre en perce.

Morise, à Peau-d’Oie. — Et moi j’ai là, dans le buffet, certain jambon d’Arragon, digne de servir de massue à ce fameux chevalier Mardi-Gras, dont vous avez rêvé la défaite !

Peau-d’oie. — Ah ! douce dame Vertu, vous croirez rêver vous-même en me voyant jouer des mâchoires.

Karvel. — Vous pourrez non moins dignement les exercer sur une paire de superbes chapons que notre métayer nous apporta hier, et sur une truite de l’Agoult, digne de servir de monture au chevalier Carême.

Peau-d’oie. — Ah ! notre hôte, c’est un festin digne d’un chapitre de chanoines !

Karvel, montrant Mylio, qui parle bas à Florette. — L’enfant prodigue est de retour, ne faut-il pas tuer le veau gras, comme dans la parabole ?

Mylio, à Florette, d’une voix basse et passionnée. — Enfin, douce amie, te voilà ma femme !