Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/331

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Alix de Montmorency, agenouillée. — Va, mon noble époux, je resterai à genoux à cette place jusqu’à la fin de la bataille, priant pour le triomphe de tes armes et pour le salut des pauvres âmes des hérétiques de Lavaur.

Reynier, à Monfort. — Viens, vaillant soldat du Christ ! viens recevoir de mes mains la sainte communion !

Montfort sort appuyé sur le bras du moine et suivi de ses écuyers, tandis qu’Alix de Montmorency prie avec ferveur.

Mylio, jetant sur Peau-d’Oie un regard humide. — Ah ! c’est son amitié pour moi qui t’a conduit en ce pays !

Karvel, pensif, contemplant Alix de Montmorency, qui murmure ses oraisons. — Pauvre créature insensée ! son cœur est resté bon… elle implore le ciel pour les victimes contre qui elle vient d’exciter la férocité de Montfort ! Ô Christ !… et les prêtres de Rome se disent tes disciples !




La ville et le château de Lavaur, après une héroïque défense, se sont rendus aux croisés ; les consuls ont stipulé que les habitants auraient la vie sauve ; mais comme, selon le pape Innocent III : Nul n’est tenu de garder sa foi envers ceux qui manquent de foi envers Dieu, presque tous les prisonniers, au mépris de la capitulation, ont été égorgés ; les survivants sont réservés à divers supplices.

Une nuit s’est passée depuis la reddition de Lavaur. Vous voyez, fils de Joel, l’une des esplanades du château, c’est un vaste terrain carré ; de hautes murailles crénelées l’entourent de trois côtés ; le quatrième est borné par le parapet d’un fossé profond de quarante pieds, large de vingt, long de mille pas ; il est fermé, à chacune de ses extrémités, par des contreforts en pierre de taille, appuis de la muraille qui sert de soubassement à l’esplanade. Ce fossé est rempli de combustibles formant une cinquantaine de bûchers, séparés les uns des autres par un sentier étroit et composés d’abord : d’une épaisse couche