Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/339

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Les moines reprennent et entonnent en chœur ce verset d’une voix éclatante :

Mors stupebit et natura
Cum resurget creatura
Judicanti responsura.

La porte voûtée s’ouvre, il en sort, poussée le fer dans les reins par les soldats qui s’avancent derrière elle, une foule d’hommes, de femmes, d’enfants de tout âge, les mains liées derrière le dos. Les hommes d’armes formant un cordon le long des remparts de l’esplanade, abaissent leurs lances la pointe en avant, marchent en convergeant vers le fossé rempli de feu et y refoulent le troupeau humain, hurlant de terreur et de rage ou poussant des cris d’allégresse… oui, d’allégresse, fils de Joel ; car grand nombre de ces malheureux, désespérant de leur cause, courent au supplice avec une joie farouche et s’élancent dans le gouffre embrasé, en criant : — Exécration éternelle à l’Église catholique ! — Oh ! prêtres du meurtre, nos fils vengeront notre mort ! — Vive la mort ! elle nous délivre de la vue de ces sanglants Romieux ! — Malédiction sur ces bourreaux du pape de Rome !

Vous les voyez, fils de Joel, vous les voyez ces victimes du fanatisme catholique se dessinant comme des ombres sur ce rideau de flammes qui s’élèvent au-dessus du parapet, vous les voyez, enjamber le revêtement de pierre et se précipiter dans cette fournaise, dans cet enfer, d’où s’échappent des cris, des hurlements, des gémissements sourds, aigus, plaintifs ! effroyable concert qui monte vers le ciel avec les rouges lueurs du bûcher, avec les chants funèbres des moines. Parmi les dernières victimes qui sortent de dessous la voûte, se trouvent : Karvel-le-Parfait et Morise, la dame de Lavaur et son fils ; le hasard les a rassemblés tous quatre ; dame Giraude, vêtue de noir, a les mains liées derrière le dos, ainsi qu’Aloys, assez gravement blessé à l’épaule ; car durant le siége, il a voulu, malgré son jeune âge, combattre aux côtés de son oncle :