aux prêtres romains ; frisé comme une femme, vêtu d’une robe de soie pourpre bordée d’hermine, ce prince de l’Église avait au cou une croix ornée d’escarboucles, suspendue par une chaîne d’or ; derrière lui, prêt à le servir, se tenait un jeune esclave noir, habillé d’une courte jupe de soie blanche, et portant bracelets et collier d’argent ornés de corail ; les échansons, les écuyers des autres seigneurs faisaient pareillement le service de la table ; les vins de Chypre et de Samos avaient coulé à torrents des amphores de vermeil depuis le commencement du festin, et ils coulaient encore, noyant, emportant dans leurs flots parfumés la raison des convives. Le duc d’Aquitaine, entourant de l’un de ses bras la taille souple d’Azénor-la-Pâle, et levant vers le ciel le hanap d’or où sa maîtresse venait de tremper ses lèvres, s’écria : — Je bois à vous, mes hôtes ! que Bacchus le divin et Vénus la divine vous soient propices !
— Païen ! — s’écria le légat du pape en riant aux éclats, — oser invoquer les dieux de l’Olympe ! Oublies-tu la croix que tu portes à l’épaule !
— Allons, saint homme, ne te courrouce point, — reprit gaiement Wilhem IX ; — après avoir invoqué Vénus et Bacchus, j’invoquerai Ganymède… le doux ami de Jupin !
Cette allusion satirique aux mœurs infâmes d’Antonelli fut accueillie par les joyeuses clameurs des croisés ; puis l’un d’eux, Héracle, seigneur de Polignac, leva sa coupe à son tour et répondit : — Wilhem, duc d’Aquitaine, nous buvons, nous tes hôtes, à ta courtoisie et à ton splendide régal !
— Oui ! oui ! — crièrent les croisés, — buvons au régal de Wilhem IX !
— J’y bois de grand cœur, — dit Radulf, seigneur de Beaugency, déjà ivre ; et, secouant la tête, il ajouta d’un air méditatif ces mots déjà vingt fois répétés par lui durant le repas avec la ténacité des ivrognes. — Je bois… mais je voudrais bien savoir ce que fait à cette heure ma femme… la noble dame Capeluche ?