Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/53

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brûlure ! Hein, païen ! qu’aurais-tu à dire lorsque tu seras témoin de ce miracle ?

Wilhelm IX allait répondre au prélat lorsque, remarquant enfin l’abattement et la sinistre expression des traits d’Azénor, il lui dit : — Qu’as-tu donc, ma charmante ? Est-ce mon combat de demain avec le sire de Sabran qui t’inquiète ? C’est folie, je ne crains nul chevalier.

— Je connais ta bravoure, Wilhem, et pour toi je ne redoute aucun péril, — répondit Azénor d’un air contraint ; — mais je ne sais… tout ce bruit me pèse… je souffre.

— Veux-tu te retirer chez toi ?

— Non, — reprit vivement Azénor en attachant sur Wilhem un regard soupçonneux et pénétrant, — non, je veux rester ici jusqu’à la fin de cette fête…

Pendant que le duc d’Aquitaine et sa maîtresse échangeaient ces mots à voix basse, les croisés, moins incrédules que Wilhem IX, dissertaient sur les mérites de la sainte lance. — Je n’ai point besoin de voir Pierre Barthelmy traverser un bûcher sans brûlure, pour croire à l’efficacité de la sainte lance, — disait le sire de Sabran ; — et pourtant je maintiens qu’une jolie juive est une jolie femme !

— Je ne prononce pas là-dessus, — reprenait Héracle, seigneur de Polignac ; — mais, foi de chevalier et de chrétien, je crois que le fer qui a percé le flanc du Sauveur doit être doué d’une vertu miraculeuse…

— Moi, — dit avec le balbutiement de l’ivresse Robert-Courte-Hense, duc de Normandie, descendant du vieux Rolf, — je voudrais fort, par la vertu de la sainte lance, trouver en Terre-Sainte les huit mille marcs d’argent pour lesquels j’ai engagé ma duché de Normandie à mon frère Guillaume-le-Roux ; foi de Normand, cela coûte fort cher, la délivrance du Saint-Sépulcre ! Ouais, je ne serais point fâché de recouvrer mon argent avec un gros gain, par la vertu de la sainte lance !

— Et moi, grâce à la vertu de la sainte lance, — reprit le sire de