Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/64

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ôté la pelure de ce fruit de Syrie, — ajouta-t-il en montrant le mort, — ouvrons-le ; c’est au dedans qu’il faut chercher ses précieuses amandes, telles que beaux besans d’or et pierreries… Donne-moi ton couteau, je vais l’aiguiser contre le mien, le tranchant de sa lame s’est émoussé sur le brechet de ce vieux Sarrasin à barbe blanche… Par le diable ! il avait le cartilage des côtes aussi dur que celui d’un vieux bouc ; — et, pendant que son sénéchal faisait un paquet des vêtements, le roi des truands, aiguisant les couteaux, disait, en jetant un regard de convoitise satisfaite sur les cadavres dont il se voyait environné : — Voilà ce que c’est que de se lever matin ; les croisés, après leur combat nocturne, sont allés se coucher ; lorsqu’ils viendront pour dépouiller les morts, nous aurons fait rafle !

— Grand roi ! il est facile de se lever matin lorsqu’on ne s’est point couché ; aussi sommes-nous arrivés fort à propos pour récolter la moisson de ce champ de carnage.

— Me reprocherez-vous encore, truands, de vous avoir engagés à quitter la forteresse du marquis de Jaffa ? — répondit le roi en continuant d’aiguiser ses couteaux. — Songer à se retrancher dans un château fort, pour brigander en Palestine comme en Gaule, c’était folie !

— Pourtant, beaucoup de ces nouveaux seigneurs qui se sont établis ducs, marquis, comtes et barons en Terre-Sainte, recommencent de tous côtés, ainsi qu’ils le faisaient dans notre gracieux pays, leur métier de détrousseurs de grands chemins !

— À cette différence près, sénéchal, qu’il n’y a point ici de grands chemins, et quasi personne à détrousser. Il faut parcourir dix et douze lieues au milieu des sables ou des rochers, pour rencontrer (chance rare et heureuse !) quelque maigre troupe de voyageurs qui, au lieu de se laisser bénignement dépouiller comme les citadins ou les marchands de la Gaule, regimbent fort souvent, montrent les dents et s’en servent.

— Grand roi ! tu parles judicieusement ; car, en vérité, pendant