Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/72

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— Sois fidèle à ton vœu de chasteté, toi qui fus si débauché !

— Sois fidèle à ton vœu de pauvreté, toi qui fus si magnifique !

— Sois fidèle à ton vœu d’humilité, toi qui fus si glorieux, si superbe !

— Mais avant tout abandonne à l’Église tes richesses périssables, ses prêtres imploreront pour toi auprès de l’Éternel la rémission de tes souillures. — Ce disant, le légat et l’archevêque, l’un connu par ses mœurs infâmes, l’autre par sa cupidité effrénée, échangeaient à la dérobée un regard sardonique et triomphant, se montrant de l’œil ce hautain seigneur, cet impie, ce luxurieux endiablé, à ce point abruti par la stupide et féroce influence des superstitions de ces temps-ci au sujet des juifs, qu’il se croyait damnable, en punition de ses amours avec une fille d’Israël, lui qui comptait ses maîtresses par centaines, lui dont les sarcasmes avaient jusqu’alors tant de fois fait justice des fourberies effrontées des prêtres catholiques. Non, celui qui écrit ceci ne croirait pas à cette inconcevable insanité s’il n’en eût été témoin. Après ce singulier converti venaient quelques Sarrasins, faits prisonniers lors de la dernière attaque nocturne contre Marhala ; des soldats les conduisaient garrottés ; le roi des truands, son sénéchal, Trousse-Lard, et quelques-uns de leurs hommes avaient été joints, et pour cause, à cette escorte, par ordre de Bohemond, prince de Tarente, chef de l’armée, qui fermait le cortége en compagnie d’un grand nombre de seigneurs croisés. Cette lugubre procession fit le tour de la place au milieu d’une foule de plus en plus grossissante, et vint se ranger devant le bûcher où étaient préparées la potence et la broche. — Le miracle de la lance ! — s’écria la foule impatiente de voir Barthelmy traverser en chemise et sans brûlure un bûcher enflammé, — le miracle de la lance !

— Hélas ! — murmurait piteusement Wilhem IX en redoublant les coups de poing dont il se meurtrissait la poitrine, — hélas ! je suis un si grand pécheur, que peut-être l’Éternel ne daignera pas, devant moi, manifester sa toute-puissance par un prodige !