Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus exaltés de ces fanatiques s’élancèrent sur Pierre Barthelmy au moment où, laissant le bûcher à quelques pas derrière lui, il s’écriait, essoufflé, en brandissant la sainte lance : — J’ai accompli ce grand miracle avec l’aide de Dieu et de ses saints, saint Pierre et saint André, mes patrons ! — À peine achevait-il ces mots que nos forcenés catholiques, dans leur rage de posséder quelque parcelle du bienheureux corps de Barthelmy, se ruèrent sur lui, et il se passa une scène fort étrange, ainsi racontée par Baudry, archevêque de Dôle, témoin oculaire des faits (dans son Histoire de la prise de Jérusalem), manuscrit que Fergan eut plus tard sous les yeux. — « …lorsque Pierre Barthelmy sortit du bûcher avec sa sainte lance, la multitude se jeta sur lui et le foula aux pieds, parce que chacun voulait le toucher et prendre quelque morceau de sa chemise ; on lui fit plusieurs blessures aux jambes ; on lui coupa des morceaux de chair ; on lui enfonça les côtes ; on lui brisa l’épine du dos ; il aurait expiré, à ce que nous croyons, si Raymond, seigneur de Pelet, illustre chevalier, réunissant une foule de soldats, ne se fût précipité au milieu de la foule en désordre, et n’eût, au péril de sa vie, sauvé Pierre Barthelmy[1]. »

Après cette rude leçon donnée à ce fourbe, Fergan se rapprocha du groupe de soldats qui transportaient, dans une maison voisine, le faiseur de miracles roué de coups. — Les brutes maudites !… les sauvages animaux ! — murmurait, d’une voix pantelante, le propriétaire de la sainte lance. — A-t-on jamais vu plus endiablés scélérats ?… Vouloir faire de moi des reliques !…

— C’est la juste punition de l’aveugle hébétement où vous plongez ces malheureux par un calcul infâme, vous autres prêtres catholiques, — dit Fergan en se penchant vers Barthelmy. — Le Marseillais se retourna furieux ; mais le serf disparut dans la foule et revint du côté du bûcher ; alors en plein embrasement. À l’un de ses

  1. Textuel. Guillaume, archevêque de Tyr, Hist. des Crois., liv. I, ch. VII, p. 286. Ap. Mich.