Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/78

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un dieu, nous le vénérons comme un grand sage, fondateur de la religion chrétienne ; mais nous abhorrons la doctrine que les prêtres ont tirée de la morale si pure du fils de Marie. »

Ces dignes paroles du vieil émir sarrasin, de tout point conformes à la vérité des faits et qui contrastaient si noblement avec les épouvantables brigandages et les cruautés des soldats de la croix, ces dignes paroles exaspérèrent Bohemond, prince de Tarente : — J’en jure par le Christ, Dieu mort et ressuscité ! — s’écria-t-il, — tu vas payer l’audace de tes paroles sacriléges !

Soyez fidèles à votre foi, même au péril de vos jours, a dit le prophète, — reprit tranquillement le vieux Sarrasin. — Je suis en ton pouvoir, Nazaréen ; tes menaces ne m’empêcheront pas de dire la vérité.

— La vérité, — s’écria le fils de l’émir, — c’est que vous autres Franks, conduits par vos prêtres, vous avez envahi notre pays, ravageant les champs, massacrant nos femmes et nos enfants, profanant les cadavres !

— Silence ! mon fils, — reprit l’émir d’une voix grave ; — Mahomet l’a dit : — La force de l’homme juste est dans le calme de sa raison et dans la justice de sa cause. — Le jeune homme se tut, et son père ajouta, s’adressant au prince de Tarente : — Je t’ai dit la vérité ; je te plains si tu l’ignores ou si tu la nies. Notre peuple, séparé du tien par l’immensité des mers et des terres lointaines, ne pouvait nuire à ta nation ; nous respections les ermites et les prêtres chrétiens ; leurs monastères s’élevaient au milieu des plaines fertiles de la Syrie, leurs basiliques brillaient dans nos villes à côté de nos mosquées ; et au nom d’Abraham, notre père à tous, musulmans, juifs ou chrétiens, nous accueillions en frères vos pèlerins qui venaient adorer à Jérusalem le sépulcre de Jésus, ce sage des sages. Les chrétiens exerçaient en paix leur religion, car Allah, Dieu du prophète, a dit par la bouche de Mahomet, prophète de Dieu : — Ne faites violence à personne pour sa foi. — Mais notre mansuétude a enhardi vos prêtres,