Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/91

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et farouche ; à la main elle tenait un mauvais couteau déjà rouge de sang. Un garçonnet de l’âge de Colombaïk accompagnait cette mégère, elle dit au fervent catholique qui s’acharnait à broyer sous ses pieds les deux enfants expirants : — À chacun son tour : abandonne-moi ces avortons du diable, mon fillot va les achever ! — Puis, mettant son couteau dans la main de l’enfant, elle ajouta : — Coupe la tête, ouvre le ventre à ces petits chiens d’infidèles, leurs mécréants de parents ont outragé le saint tombeau de Notre-Seigneur ! — L’enfant obéit à la mégère avec une férocité naïve, et criant : — Victoire à la croix ! gloire au bon Jésus ! — il égorgea, il éventra ces deux petites créatures. À quelques pas de là, leur mère mourait en proie aux horribles violences des deux croisés ; l’un s’écria : — Maintenant, voyons si elle n’a pas de besans d’or et pierreries cachés dans les entrailles !… — Plus loin, une bande de truands et de ribaudes, ivres de vin et de carnage, faisaient le siége d’un palais dont s’étaient emparés les gens d’Héracle, seigneur de Polignac ; en signe de possession, ils avaient, selon la coutume, arboré la bannière armoriée de leur seigneur sur la terrasse de cette splendide demeure. Truands et ribaudes, après avoir lancé une grêle de pierres aux guerriers du seigneur de Polignac, se ruaient sur eux à coups de bâton, de pique, ou de coutelas ; au milieu de cette sanglante mêlée, les truands hurlaient : — À mort ! à sac ! cette maison et ses richesses sont à nous aussi bien qu’aux seigneurs ! est-ce que pour nous aussi bien que pour eux le Christ n’est pas mort et ressuscité ? À sac ! tue ! tue ! — Exterminez cette truanderie ! — criaient les hommes d’armes en se défendant à coups de lance et d’épée ; — à mort ces chacals qui veulent dévorer la proie du lion ! — À mesure que j’avançais dans cette rue (et toutes les rues de Jérusalem offraient en ce moment de pareils spectacles), j’étais à chaque pas témoin de scènes épouvantables ; jamais, jamais je n’oublierai un soldat d’une taille gigantesque, il portait enfilés au bout de sa lance trois petits enfants âgés de cinq ou six mois au plus, et arrachés à la mamelle de leurs mères ; ce bon ca-