Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/103

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ne peut faire un pas sans être entouré, pressé par une foule idolâtre prête à sacrifier sa vie pour la sienne ?

— Et la haine du régent ? et la haine des nobles, des courtisans contre Marcel, la crois-tu éteinte ?

À ce moment, Agnès-la-Béguine, servante de confiance de Marguerite, entra dans la chambre et dit à sa maîtresse : — Madame, la femme de maître Maillart l’échevin vient vous visiter.

— Quoi ! si tard ! Et tu lui as dit que j’étais céans ?

— Oui, madame.

Marguerite fit un mouvement d’impatience chagrine, essuya en hâte ses yeux pleins de larmes et dit à mi-voix à Denise :

— Tout à l’heure tu parlais des envieuses… Pétronille Maillart est de ce nombre… Aussi, je t’en conjure, cache tes pleurs ; cette femme ferait mille suppositions sur notre tristesse !… Elle est cruellement jalouse de la popularité de Marcel ; et Maillart partage, je le crois, les envieux sentiments de sa femme.

— Lui… jaloux de mon oncle, son ami d’enfance !

— Maillart est faible, et sa femme le domine.

— Faible, maître Maillart !… mais il parle toujours de courir aux armes !…

— Denise, la violence n’est pas la force, et les caractères les plus emportés sont souvent aussi les moins fermes… Mais silence ! voici Pétronille… Quel peut être le but de sa visite à cette heure ? Cela m’inquiète.

Pétronille Maillart entrait à ce moment, encore vêtue de ses habits de deuil. Dès son arrivée dans la chambre, elle jeta un regard inquisiteur sur l’épouse de Marcel et sur Denise, remarquant sans doute les traces de leurs larmes récentes ; car un sourire de triomphe effleura ses lèvres. Puis elle dit, en affectant une commisération protectrice :

— Excusez-moi, dame Marguerite, de venir si tard, et surtout si mal à propos.