Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/118

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sujets. Et maintenant, reprends avec une humble repentance ton joug séculaire ! »

— Vrai Dieu ! tu aurais, comme moi, assisté souvent aux secrets entretiens de mon beau-frère et de ses conseillers, que tu ne serais pas mieux instruit de leurs projets !… Et s’ils triomphent, te voilà désespéré ?

— Désespéré pour aujourd’hui, sire ; mais plein d’espoir pour demain. La conquête de la liberté est aussi certaine qu’elle est lente, laborieuse et pénible… Mais je ne désespère pas encore d’aujourd’hui : je veux essayer une dernière tentative sur le régent.

— Et si tu échoues, tu viens à moi ?

— Entre deux maux, sire, il faut bien choisir le moindre.

— Enfin, tu crois trouver en moi ce qui manque au régent ?

— Vous avez sur lui un avantage immense.

— Lequel ?

— Vous voulez devenir roi ; et la naissance du régent l’a fait roi.

— Oublies-tu ma royauté de Navarre ?

— En effet, sire, je l’oubliais… ainsi que vous l’oubliez pour la couronne de France. Je disais donc qu’un roi par droit de naissance regarde toute réforme comme une atteinte à son pouvoir… Vous, au contraire, vous regarderez les réformes comme un moyen d’usurper le pouvoir. Or, si perfide, si méchant que vous soyez, Charles-le-Mauvais, je vous défie de ne pas signaler votre avénement au trône, et cela dans votre seul intérêt, par de grandes mesures utiles au bien public. Ce sera autant d’acquis… plus tard nous aviserons…

— À me renverser ?

— J’y tâcherais, sire, et de toutes mes forces, du moment où vous vous écarteriez de la bonne voie.

— Ainsi, tu détruirais sans remords ton ouvrage ?

— Sans remords ! Et puis, voyez-vous, sire, il est bon que ce ne soient plus, comme au temps de la première et de la seconde race,