je n’oublierai l’élan sublime, le saint enthousiasme de la foule à la vue du prévôt des marchands, vêtu de la robe magistrale, serrant dans ses bras le serf aux mains calleuses et vêtu de haillons ! Et moi, je me disais : « — La voilà donc à jamais cimentée cette alliance si ardemment désirée par Fergan, notre aïeul ; cette alliance qui peut seule mesurer l’affranchissement de la Gaule ! Va-t-il enfin se lever ce beau jour prédit par Victoria-la-Grande ?… »
Guillaume, profondément surpris et touché de ce qu’il voyait et entendait, se sentit, malgré sa rudesse énergique, prêt à défaillir ; il fut obligé de s’adosser au mur, tandis que Marcel s’écriait :
— Mes amis, que tous ceux qui veulent mener la bonne cause à bonne fin se trouvent demain matin en armes sur la place de l’église Saint-Éloi ; vous ne m’y attendrez pas longtemps, et je vous ferai part de ma résolution.
— Compte sur nous, Marcel ! — cria la foule ; — nous serons tous au rendez-vous ! — Nous te suivrons les yeux fermés ! — Vive Marcel ! — Vivent les paysans ! — À bonne fin ! à bonne fin !
Et la foule sortit en tumulte de la grand’salle du couvent des Cordeliers.
— Voyez-vous, mes compères, à quel point ce Marcel se défie du bon peuple de Paris ! — dit l’homme au chaperon fourré à plusieurs citadins qui, comme lui, quittaient la salle. — L’avez-vous entendu ? J’en crois à peine mes oreilles !…
— Quoi ! qu’a-t-il dit ?
— Comment ! il appelle à son secours les manants ! les rustres des campagnes ! Ne sommes-nous donc pas assez vaillants pour faire nous-mêmes nos affaires sans l’appui de messire Jacques Bonhomme ? Vraiment, maître Marcel n’a jamais montré plus ouvertement tout le mépris qu’il a pour nous ! Ah ! maître Jean Maillart est bien autrement ami du peuple !