Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/140

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— Non, bon père ! c’est à genoux que je vous demande pardon d’avoir si longtemps méconnu vos sages avis et écouté de mauvais conseillers. — Puis, éclatant en sanglots, le jeune prince ajouta en se tordant les mains de désespoir : — Hélas ! mon Dieu ! seul et si jeune, loin de mon pauvre père, prisonnier… est-ce ma faute si j’ai placé ma confiance dans les hommes dont j’étais entouré ? — Jetant alors les yeux sur les cadavres des deux maréchaux, il reprit avec un accent de douleur déchirante : — Ah ! les voilà ceux qui m’ont perdu ! Ils m’aimaient, ils m’avaient vu naître ; mais, comme moi, ils étaient aveuglés par l’erreur !… Ah ! bon père ! ne me reprochez pas de pleurer sur le sort de ces malheureux ; ce sont les derniers adieux que je leur adresse ! — Et le régent, toujours agenouillé, s’affaissa sur lui-même, cacha sa figure dans ses mains et continua de sangloter.

Marcel, depuis longtemps, connaissait par expérience la profonde duplicité du régent, duplicité presque incroyable dans un âge si tendre ; cependant, la sincérité de l’accent de ce jeune homme, ses prières touchantes, ses pleurs, les regrets qu’il ne craignait pas de témoigner au sujet de la mort de ses deux conseillers, tout fit penser au prévôt des marchands que le prince, effrayé des terribles représailles accomplies sous ses yeux, se reprochait amèrement ses erreurs, et qu’enfin, convaincu que son intérêt surtout lui commandait de rompre avec un passé funeste, il voulait fermement marcher dans la bonne voie. Aussi Marcel, se félicitant de cet heureux changement, dit tout bas à Mahiet : — Fais retirer nos gens de la galerie ; qu’ils sortent du palais et aillent s’assembler avec le peuple sous la grande fenêtre du Louvre ; toi et Rufin, restez près de moi. Je vais emmener le régent hors de cette chambre : la vue de ces deux cadavres lui est trop pénible.

Mahiet et l’écolier exécutèrent les ordres du prévôt des marchands. Le régent, affaissé sur lui-même, continuait de sangloter ; le seigneur de Norville sortit de sa cachette sans être remarqué du prince