Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/161

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Le cavalier inconnu s’approchait toujours, mais il arrêta brusquement sa monture et s’écria, voyant les autres Anglais appuyer, selon l’usage, le pied gauche sur le milieu du bois de leur arc afin de commencer à le bander :

— Je viens ici en ami !

— Qui es-tu ? — demanda le bâtard de Norfolk, — que veux-tu ?

— Je suis le bailli du sire de Nointel, seigneur de ces domaines ; je désire parler au capitaine Griffith.

— C’est moi…

— Messire, vous venez piller les bourgs et les villages de notre seigneur ?

— Tu vas peut-être m’en empêcher ?

— Au contraire, messire, j’accours, au nom de mon seigneur, vous offrir les conseils de ma vieille expérience pour vous aider à rançonner ces vilains, car Jacques Bonhomme est matois, il a plus d’une cachette… où il met à l’abri ses deniers ; or, messire, je…

— Chapelain, — dit le capitaine en interrompant le bailli, — nous allons fendre le nez et couper les deux oreilles de ce ribaud, qui vient ici railler… Tire ton coutelas, chapelain, et donne lui l’absolution de ses péchés.

— Messire, écoutez-moi, — s’écria le bailli, — écoutez-moi, et vous serez convaincu que je ne plaisante point ! Vous êtes fils du seigneur duc de Norfolk ?

— Fils bâtard de par la vertu de mon honorée mère ; mais elle m’a donné bon poing, bon œil, bonnes dents et bon coffre, je la tiens quitte du reste.

— Le duc, votre père, sait que vous tenez la campagne en ce pays ?

— Oui, car il y a quelque temps je lui ai écrit ceci par l’occasion d’un franc archer qui retournait en Guyenne : — « Milord ! vous ne m’avez de votre vie rien donné, sinon un coup de pied, dont mes chausses frémissent encore ; je n’en suis pas moins votre bâtard affectionné qui fait rage en Gaule et qui signe le capitaine Griffith. »