Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/178

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le nez écrasé, d’être un vrai monstre ! Oh ! pour la belle Gloriande… que d’épouvante, que d’épouvante… quand je lui dirai : « Ton mari a forcé ma fiancée… je vais te forcer !… » Hardi, mes Jacques, la Jacquerie commence !

Les paysans révoltés suivirent en tumulte les pas de Guillaume Caillet, d’Adam-le-Diable et de Mazurec en criant à travers la forêt :

— À Chivry… à Chivry… Hardi, les Jacques… La Jacquerie commence !

— Adieu, bonne hôtesse ! — dit Mahiet en se levant et suivant de l’œil Mazurec qu’il allait rejoindre, — adieu, Rufin… veille avec la sollicitude d’un frère sur l’excellente femme qui se confie à ta sauvegarde.

— J’ai foi dans votre ami, — reprit Alison ; — car vous m’avez dit : « Fiez-vous à lui… »

— Et j’en jure Dieu ! — répondit l’écolier d’une voix pénétrée, — vous pouvez vous fier à moi comme à Mahiet.

— Je n’en doute pas, — dit l’Avocat. — Adieu, Rufin ; je vais rejoindre mon frère, lui révéler les liens qui nous unissent et veiller sur lui. Les Jacques ne prendront pas sans assaut le château de Chivry. Encore adieu, bonne Alison ; dites à dame Marcel et à Denise ma fiancée que, si je ne les revois pas, ma dernière pensée aura été pour elles. Et toi, Rufin, dis à Marcel que les Jacques sont debout.

— Au revoir, Mahiet, — reprit tristement l’écolier en tendant la main à son ami. — Si maître Marcel a quelque message à t’envoyer, je le prierai de m’en charger… Adieu.

L’Avocat serra une dernière fois la main de son compagnon et rejoignit en hâte les Jacques, dont on entendait au loin les clameurs retentissantes. La bonne Alison, avant de suivre l’écolier, s’agenouilla en pleurant sur la fosse d’Aveline-qui-jamais-n’avait-menti, et lui adressa du cœur et des lèvres un suprême adieu.