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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/201

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« — Tu as forcé ma fiancée ; ta fiancée sera forcée !… »

Le sire de Nointel n’a conservé de ses riches habits que son pourpoint et ses chausses de velours, déjà mis presque en lambeaux par les ronces du chemin ; une sueur froide colle ses cheveux à ses tempes. Guillaume Caillet lui dit :

— L’an passé, ma fille a été jetée dans ton lit et par toi violentée ; cette nuit, Mazurec t’a rendu outrage pour outrage… ma fille et tant d’autres victimes ont péri d’une mort atroce dans le souterrain de la forêt de Nointel… Cette nuit ta fiancée et tant d’autres sont morts dans les souterrains du château de Chivry, incendié par Jacques Bonhomme. Cela ne me suffit point… Mazurec t’a fait en public amende honorable parce que, furieux du déshonneur de sa fiancée, il t’avait injurié… Or, cette nuit, tu as injurié Mazurec, le traitant de truand, lorsqu’il entraînait ton épousée… Tu vas faire devant Jacques Bonhomme amende honorable aux pieds de Mazurec… Si tu refuses, — ajoute Guillaume Caillet voyant son seigneur frapper du pied avec rage, — si tu refuses… je te fais subir le supplice dont tant de fois tes vassaux ont été victimes : deux jeunes arbres vigoureux seront courbés, l’on t’attachera à l’un par les pieds, à l’autre par les mains, et on laissera ensuite les baliveaux se redresser…

— J’ai vu mon compère Toussaint-Cloche-Gourde ainsi écartelé entre deux baliveaux de chêne ! — dit Adam-le-Diable. — Je sais comment on s’y prend pour mener cette torture à bien… donc, dépêchons, choisis : l’amende honorable ou le supplice.

— Va, Conrad ! — dit Gérard de Chaumontel avec une dédaigneuse amertume, — subissons jusqu’au bout les avanies de ces manants ; je te le répète, nous serons vengés. Oh ! bientôt le casque aura raison du bonnet de laine, et la lance de la fourche…

Conrad de Nointel, frissonnant d’épouvante à la menace de la torture, dit à Guillaume d’une voix rauque :

— Marche… je te suis… — Et se retournant vers son ami : — Gérard, ne me laisse pas seul.