Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/238

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— Maillart est faible, il subit le joug de sa femme ; celle-ci est dévorée d’envie. Elle jalousait en moi l’épouse de celui que le peuple idolâtre appelait le Roi de Paris. Oh ! en ce temps-là, je te l’ai dit, j’aurais sacrifié la gloire de Marcel à son repos… son génie à sa sécurité ! La moindre agitation populaire m’effrayait pour lui… j’étais faible, j’étais lâche !… Mais aujourd’hui que la haine, l’ingratitude, l’iniquité, le poursuivent, je me sens forte, je me sens brave, je me sens fière d’être la femme de ce grand citoyen ; je me sens capable de lui prouver, je te l’ai dit, mon dévouement jusqu’à la fin… jusqu’à la mort !…

— Ah ! fasse le ciel que votre dévouement ne soit pas mis à une si terrible épreuve ! Mais comment avez-vous été instruite de ce complot contre mon oncle ?

— Ce soir, j’ai voulu mettre un terme à mes anxiétés, connaître au vrai l’état des esprits à l’égard de Marcel ; je me suis enveloppée d’une mante, de crainte d’être reconnue, je suis allée me mêler aux groupes nombreux qui se sont formés dans notre quartier.

— Je comprends tout maintenant ! Ainsi, ce que vous avez appris par vous-même ?…

— Me fait présager une crise prochaine et redoutable ; aussi t’ai-je dit en entrant : « Courage, mon enfant ! »

— Mon Dieu !… ne vous abusez-vous pas ?…

— Non, non ! Les privations, les souffrances, les maux qu’entraîne après soi la conquête laborieuse de la liberté, on les impute à Marcel, violemment attaqué par des émissaires du parti de la cour ou du parti de Maillart. Ils se mêlent parmi ce pauvre peuple, crédule au mal ainsi qu’au bien, mobile dans ses affections, capricieux dans ses haines ; on lui répète à satiété, et il finit par le croire, que tous les malheurs du temps eussent été évités si l’échevin Maillart, véritable ami du peuple, eût été écouté ; d’autres prêchent une prompte soumission au régent comme seul terme aux désastres publics « — Que demande-t-il après tout (ajoutent ses prôneurs) ? que demande-t-il