Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/264

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de la couronne à une autre branche… (A) jusqu’au jour de la suppression de la royauté, dernier vestige des hontes de la conquête franque !… Tel était mon rêve ! Mais, crois-moi, le temps changera ce rêve en réalité ! Il se peut que j’aie devancé l’esprit de mon siècle… est-ce un mal ?… Ce gouvernement de l’avenir n’aura-t-il pas été, après tout, pratiqué pendant trois ans ?… Va, mon ami, nos enfants seront d’autant plus confiants dans l’espoir de leur délivrance, qu’instruits par le passé, ils sauront que leurs pères ont eu leur affranchissement entre leurs mains ; oui, qu’un jour, redevenus libres, ils ont dompté, chassé la royauté, et que s’ils sont retombés sous leur joug séculaire, c’est qu’à la veille du triomphe, ils ont cédé au découragement ! c’est qu’après avoir surmonté les plus rudes obstacles, ils ont défailli au terme de la carrière, au moment de toucher au but ! Ce sera pour nos fils un grand et profitable enseignement ; peut-être ma mort et celle de nos amis le rendront encore plus éclatant, cet enseignement ! Que nous importe ! notre mort aura été féconde comme notre vie !… l’échafaud la couronnera !…

Le prévôt des marchands semblait transfiguré en prononçant ces patriotiques paroles ; sa foi religieuse dans l’avenir de sa cause illuminait son regard. Mahiet le contemplait dans une muette admiration, lorsque Denise, entr’ouvrant en ce moment la porte du cabinet de Marcel, dit timidement à l’Avocat d’armes :

— Mahiet, votre ami Rufin désirerait vous parler à l’instant.

— Maître Marcel, — reprit Mahiet, — il s’agit sans doute de ce complot dont Rufin croit avoir saisi la trace ?

— Mon enfant, dis à Rufin d’entrer, — reprit le prévôt des marchands s’adressant à Denise. Et bientôt parut l’écolier.

— Maître Marcel, — dit-il vivement, — je crois avoir été, cette fois, aussi bien servi par la déesse Fortune que lorsque, enrageant de ne point trouver Margot-la-Savourée au rendez-vous qu’elle m’avait donné sur la berge de la Seine, en face du Louvre, j’ai découvert la fuite du duc de Normandie… à cette différence seulement qu’au-