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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/317

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lui dirent point l’heure, et si elle l’eust sceu, elle n’y fust pas allée. » (Procès de Con., t. I, p. 115.)

« … Encore fut dit pour le temps que la Pucelle conseilloit au bon roy Charles d’aller devant Paris, et disant qu’on le prendroit, mais ung sire de la Trimouille, qui gouvernoit le roy, descria icelle chose, et fut dict qu’il n’étoit mie bien loyau audit roy son seigneur et qu’en envie des faits que Jehanne fesoit il fut coupable de sa prise. » (Le doyen de Saint-Thibaud, Chronique de Metz ; ap. Quicherat, t. IV, p. 323.)

« … Il vit ladite Jeanne à Châlons avec quatre personnes du village de Domrémy, et elle leur disoit qu’elle ne craignait rien… sinon la trahison. » (Dép.. de Girardin d’Épinal. Procès, vol. II, p, 421.)

Enfin, les sinistres pressentiments de Jeanne ne l’ont pas trompée ; elle est trahie, livrée, puis vendue aux Anglais pour dix mille écus d’or. Un prélat, l’évêque de Chartres, l’un des membres les plus influents du conseil de Charles VII, qui devait sa couronne à l’héroïne, donne avis de cette prise aux échevins de Reims. A-t-il un mot de pitié en annonçant ce malheur public ? Jugez-en, chers lecteurs, par l’analyse de la lettre de l’évêque de Chartres, conservée au dépôt des archives de Reims :

«… L’évêque de Chartres (dit Jean Rogier, l’analyste) donne advis de la prise de Jeanne la Pucelle, devant Compiègne, pour ce qu’elle ne vouloit croire conseil, ainsi fesoit tout à son plaisir… Et sur ce qu’on lui dict : que les Anglois feroient mourir la pucelle Jehanne, il répondit (l’évêque de Chartres) que tant plus leur en mescherroit et que Dieu avoit souffert que l’on prît Jehanne pour ce qu’elle s’estoit constitué en orgueil, et pour les habits d’homme qu’elle avoit pris, et qu’elle n’avoit fait rien de ce que Dieu commande. » (Rogier, t. V, p. 168-169 ; ap. Quicherat.)

Hélas ! ces quelques mots du prélat, conseiller de Charles VII, renfermaient le germe de l’épouvantable procès d’hérésie, intenté plus tard à Jeanne Darc, et ensuite duquel elle fut brûlée vive… Mais nous l’avons dit, chers lecteurs, ce procès sera l’objet d’une lettre spéciale.

Ainsi donc ! nous croyons avoir rationnellement, historiquement, démontré ceci :

— Il n’y a rien de miraculeux dans les divers événements de la carrière de Jeanne Darc, si extraordinaires qu’ils paraissent

— Elle était naturellement douée d’un grand génie militaire.

— Enfin, l’œuvre patriotique de l’héroïne plébéienne a été d’autant plus admirable qu’il lui fallut non-seulement combattre l’ennemi, mais encore opiniâtrément lutter contre la lâcheté de Charles VII,