Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/72

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s’ils n’offraient leurs conseils, leurs secours aux serfs des campagnes, pour les aider à briser enfin le joug des seigneurs ! Croyez-moi, en agissant avec ensemble, serfs, artisans et bourgeois, nous aurons facilement raison des seigneurs et de la royauté. Comptons-nous, comptons nos oppresseurs ; combien sont-ils ? Quelques milliers au plus !

— C’est vrai, — dirent Guillaume et Adam en échangeant un regard approbatif, — les villes unies aux campagnes, c’est tout le monde ! les seigneurs, ce n’est rien !

— D’après l’avis de Marcel, — reprit Mahiet, — j’étais venu en ce pays, où, selon l’usage, le tournoi devait amener grand nombre de vassaux ; je voulais savoir si, dans cette province comme dans d’autres, les paysans, poussés à bout, songeaient enfin à la révolte ! Maintenant je n’en doute plus, car je vous ai rencontrés, vous, Guillaume et Adam, et j’ai vu tantôt, tout en regrettant ce mouvement partiel et trop hâté, que Jacques Bonhomme, las de ses hontes, de ses misères, de ses tortures, le moment venu, prendra les armes… Je m’en retourne à Paris le cœur plein d’espoir ; donc patience… amis… patience, et bientôt sonnera l’heure des grandes représailles.

— Oui, — repartit Guillaume, — nous règlerons les comptes de nos pères… et moi je réglerai le compte de ma fille… La vois-tu ? la vois-tu ?… — Et le vieux paysan montrait du geste Aveline, assise à côté de Mazurec ; tous deux accablés, muets, le regard fixe, attaché sur le sol, ils semblaient abîmés dans leur désespoir.

— Mais j’y songe, — dit l’Avocat, — Mazurec ne peut maintenant rester dans le pays.

— J’ai pensé à cela, — reprit Guillaume, — cette nuit nous retournerons à Cramoisy avec ma fille et son mari ; je connais une caverne au plus épais de la forêt : cette cachette a longtemps servi d’asile à Adam ; je vais y conduire Mazurec. Chaque nuit, ma fille ira lui porter une partie de notre pitance ; la pauvre enfant est si désolée que la séparer tout à fait de son mari, ce serait la tuer… Il restera