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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/77

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nions, où siégeaient seuls la noblesse et le clergé. Hugues Capet et ses descendants tinrent aussi de temps à autre dans leurs domaines des cours ou parlements composés de seigneurs et de prélats, mais d’où les bourgeois, les artisans et les serfs, descendants des Gaulois conquis, restèrent exclus, ainsi que par le passé, ces assemblées représentant uniquement les égoïstes intérêts des descendants ou des complices de la conquête. Cependant, vers la fin du siècle dernier, en 1290, les légistes ou gens de loi, d’origine plébéienne, commencèrent d’entrer dans ces parlements. Le pouvoir royal, établi sur les ruines de la féodalité, devenait de plus en plus oppressif et absolu ; les parlements se bornaient à enregistrer et à promulguer servilement les ordonnances royales, au lieu de rester, comme par le passé, de libres assemblées où rois, seigneurs et prélats délibéraient en pairs, en égaux, sur les affaires de l’État ( qui n’étaient point celles du populaire, tant s’en faut). Mais bientôt il advint ceci : les parlements enregistraient lois sur lois, ordonnances sur ordonnances ; et ni lois ni ordonnances n’étaient exécutées. Pourquoi ? Ah ! c’est que l’esprit de liberté, soufflant enfin sur la vieille Gaule, avait non-seulement amené l’insurrection des communes, mais une sorte d’insurrection générale contre la royauté, qui tendait de plus en plus à tout absorber, à tout dévorer ; aussi les bourgeois, retranchés dans leurs cités, les seigneurs dans leurs châteaux, les évêques dans leurs diocèses, refusaient de payer les impôts, fixés selon le bon plaisir du roi. Témoin Philippe-le-Bel, qui, au commencement de ce siècle-ci, eut beau décréter et redécréter cette taxe écrasante montant au cinquième du revenu de chacun ; Philippe-le-Bel en fut pour ses décrets, et ses officiers emboursèrent à Paris, à Orléans et ailleurs, force coups d’épées, de pierres et de bâtons, mais de florins peu ou point du tout ! En cette occurrence, Enguerrand de Marigny, ministre habile, qui fut pendu plus tard, dit ceci au roi Philippe-le-Bel : « — Beau sire, vous n’êtes pas le plus fort ; donc, croyez-moi, au lieu d’ordonner, demandez, priez, suppliez, s’il le faut, et, pour ce faire, convoquez des assem-