Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/81

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ans à peine, n’échappe à cette honteuse défaite avec ses frères que pour revenir à toute bride à Paris, où il convoque, en sa qualité de régent, les États-généraux, afin d’en obtenir des sommes énormes destinées à la rançon du roi des Français et d’une foule de seigneurs restés par couardise prisonniers de l’ennemi ; sans Marcel-le-Drapier la Gaule était perdue ; mais l’ascendant de son génie et de son patriotisme domine l’Assemblée nationale ; il répond au chancelier, interprète des demandes du régent, qu’avant de s’occuper du rachat du roi et de sa chevalerie, il faut songer au salut du pays, salut impossible à espérer sans l’accomplissement de réformes urgentes et radicales qu’il énumère et qu’il exige ; puis, suffisant à tout et déployant une activité surhumaine, Marcel fait en moins de trois mois enclore Paris de nouvelles fortifications, afin de mettre la ville à l’abri des Anglais, qui s’avancent jusqu’à Saint-Cloud ; il arme les populations, organise la police des rues, assure les subsistances de la cité par des arrivages de grains, calme, raffermit les esprits alarmés, donne une pareille impulsion aux principales cités de la Gaule ; et en même temps, fidèle à son plan de réformes, poursuivi, mûri durant de longues années de sa vie obscure et laborieuse, il fait nommer une commission de quatre-vingts députés de la bourgeoisie, chargés de la rédaction des réformes exigées du régent. Les députés de la noblesse et du clergé se retirent dédaigneusement de l’Assemblée nationale, révoltés de l’audace de ces bourgeois législateurs. Ceux-ci, maîtres du terrain, sous la présidence et la haute inspiration de Marcel, rédigent un plan de réformes qui est à lui seul tout une immense révolution. C’est le gouvernement républicain de nos anciennes communes, étendu de la cité à la Gaule entière ; c’est le pouvoir des députés choisis par le pays substitué à l’absolutisme du pouvoir royal. Le roi n’est plus que le premier agent des États-généraux, et il ne peut, sans leur volonté souveraine, disposer ni d’un homme ni d’un florin. Ces réformes, fruit des longues veilles d’Étienne Marcel, et solennellement acceptées, jurées par Charles,