Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/93

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s’empêcher de sourire amèrement lorsqu’il entendit les clameurs enthousiastes dont la foule salua le passage de Marcel, plus que jamais l’idole des Parisiens.

Une femme vêtue de longs habits de deuil et dont la présence semblait étrange au milieu d’une pareille cérémonie, marchait à côté de Maillart ; c’était sa femme Pétronille, jeune encore, assez belle, mais d’une figure bilieuse et revêche. Aussitôt après que les hérauts de la ville avaient terminé la psalmodie lugubre, qu’ils recommençaient de temps à autre, Pétronille Maillart éclatait en sanglots, en gémissements, et s’écriait, se tordant les mains de désespoir :

— Malheureux Perrin Macé ! vengeance à ses cendres ! vengeance !

Mais les cris plaintifs et les contorsions de dame Maillart paraissaient exciter dans la foule plus de surprise que d’intérêt.

— Par Jupiter ! — s’écria Rufin-Brise-Pot, — que diable vient faire cette hurleuse à l’enterrement ? qu’a-t-elle à se démener ainsi comme une possédée ? Elle n’est ni la veuve ni la parente de Perrin Macé !

— C’est là ce qui rend sa présence ici encore plus admirable, — s’écria l’homme au chaperon fourré en s’adressant à la foule. — La voyez-vous, mes compères, la digne épouse de Jean Maillart ? Voyez-vous comme elle témoigne par son désespoir la part qu’elle prend, ainsi que son mari, au terrible sort du pauvre Perrin Macé ?… Vous en êtes témoins, mes amis, dame Pétronille est la seule parmi toutes les femmes des échevins qui assiste à la cérémonie !

— C’est vrai, — dirent plusieurs voix, — pauvre chère femme ! il faut qu’elle soit courageuse et fièrement désolée.

— Oui, et il n’en est pas sans doute ainsi de la femme de Marcel, notre premier magistrat ; celle-là et les autres restent tranquillement chez elles sans le moindre souci de ce deuil public, — reprit l’homme au chaperon fourré ; — remarquez cela, mes amis.

— Ventre du pape ! — s’écria Brise-Pot, — la femme de Marcel agit en personne sensée ; elle a raison de ne pas venir ici se donner