Charles VII est un ange ! Tous ceux qui l’approchent l’adorent, le révèrent, le bénissent ! Que vous dirai-je ! il a la douceur de l’agneau, la beauté du cygne et le courage du lion !
— Le courage du lion ! — reprit Jacques Darc avec admiration. — Notre jeune sire s’est donc battu bravement, ami messager ?
— Si on l’eût écouté, il se serait déjà fait tuer cent fois à la tête des troupes qui lui sont fidèles ! — répondit Gillon-le-Chanceux en gonflant ses joues. — Mais la vie de notre auguste maître est si précieuse, que les seigneurs de sa famille et de son conseil ont dû s’opposer à ce qu’il risquât ses jours d’une façon que j’oserais respectueusement qualifier… d’inutilement héroïque ! À quoi bon cet héroïsme ? Les soldats qui suivent encore la bannière royale sont complétement découragés par des défaites désastreuses ; le plus grand nombre des évêques et des seigneurs se sont traîtreusement déclarés pour le parti des Bourguignons et des Anglais ; tout le monde délaisse notre jeune sire, et bientôt, peut-être, forcé d’abandonner la France, il ne trouvera pas dans le royaume de ses pères un abri pour reposer sa tête !… Ah ! maudite, trois fois maudite soit sa méchante mère Isabeau de Bavière !… Cette femme a perdu notre infortuné pays et causé les malheurs de notre gentil dauphin !…
La nuit venue, Gillon-le-Chanceux remercie le laboureur de Domrémy de son hospitalité, remonte à cheval et poursuit sa route ; la famille Darc, après s’être apitoyée sur le triste sort du jeune roi, fait en commun la prière du soir, et chacun va chercher le sommeil.
Jeannette, cette nuit-là, ne s’endormit pas aussitôt que d’habitude. Silencieuse et attentive aux récits du messager, elle avait pour la première fois entendu des paroles douloureusement indignées à propos des ravages des Anglais et des infortunes du gentil dauphin de France. Jacques Darc, sa femme, ses fils, après le départ de Gillon-le-Chanceux, s’étaient encore longuement appesantis, lamentés sur