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journée du samedi 30 avril 1429.


Un peu avant le point du jour, maître Jean le coulevrinier, exact au rendez-vous de la veille, se trouvait devant la porte du logis de Jacques Boucher ; au bout d’un instant, Jeanne, déjà levée, entr’ouvrit la fenêtre de sa chambre, située au premier étage, regarda dans la rue, encore assez obscure, et à demi-voix cria :

— Hé ! maître Jean, êtes-vous là ?

— Oui, ma vaillante payse, — répondit le Lorrain ; — je vous attends depuis un moment.

Bientôt Jeanne sortit de la maison et vint rejoindre le coulevrinier. Elle n’avait pas revêtu son armure de bataille ; mais une légère maille de fer ou jaseran, qu’elle portait par-dessus sa tunique ; sa capeline remplaçait son casque. Elle tenait son bâton à la main et portait sur son épaule un court manteau, dont elle voulait s’envelopper à son retour, afin de n’être pas reconnue et de se soustraire ainsi aux ovations populaires. Elle pria maître Jean de faire avec elle le tour de la ville en dehors des remparts, afin de se rendre compte de la position et de la force des retranchements ennemis ; elle partit avec son guide, traversa les rues, encore désertes, et, sortant par la porte Banier, commença son excursion. Douze formidables redoutes (ou bastilles) entouraient la ville du côté de la Beauce et du côté de la Sologne, à petite portée de bombarde ; les plus considérables de ces ouvrages d’attaque se nommaient la bastille Saint-Laurent, à l’ouest ; celle de Saint-Pouaire, au nord ; celle de Saint-Loup, à l’est, et celles de Saint-Privé, des Augustins et de Saint-Jean-le-Blanc, au sud et de l’autre côté de la Loire. Puis, en face de la tête du pont, protégé du côté des assiégés par un boulevard fortifié, les Anglais avaient élevé un formidable château-fort flanqué de tours en charpentes, qu’ils appelaient les Tournelles. Toutes ces redoutes, munies de nombreuses garnisons, étaient entourées de fossés larges, profonds, et d’une ceinture de palissades plantées au pied d’épais rem-