Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/141

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Anglais, ne voyant pas la Pucelle parmi les Français, les crurent ainsi privés d’un appui que beaucoup d’entre eux regardaient comme surnaturel, sentirent renaître leur audace, repoussèrent brillamment l’attaque et foudroyèrent l’ennemi qui se découragea ; la panique se mit dans quelques rangs, les moins braves s’efforçaient de regagner le revers du fossé lorsque Jeanne parut, accourant à eux le regard inspiré, le visage rayonnant d’une ardeur guerrière… Ils s’arrêtent ; il leur semble qu’une puissance surhumaine les réconforte, la honte de la défaite leur monte au front, ils rougissent de fuir aux yeux de cette belle jeune fille, qui, faisant flotter sa bannière, s’élance vers le fossé, s’écriant d’une voix vibrante :

— Hardi ! suivez-moi !… la bastille est à nous, de par Dieu[1] !…

Les fuyards, entraînés par la magie de la vaillance et de la beauté de l’héroïne, se précipitent sur ses pas, aux cris mille fois répétés de :

— Noël ! Noël à Jeanne !…

— Jeanne est avec nous !…

Ces clameurs, annonçant la présence de la Pucelle, redoublent l’énergie des intrépides qui tenaient encore au fond du fossé, décimés par les pierres, par les boulets, par les traits, lancés sur eux du haut des boulevards de la redoute ; Jeanne, leste, souple et forte, s’appuyant parfois sur les épaules de ceux qui l’entourent, descend avec eux dans le fossé, criant :

— À l’assaut ! à l’assaut ! marchons hardiment ! Dieu sera pour nous !…

Les rangs s’ouvrent devant l’héroïne et se referment sur son passage. Sa bravoure entraîne les moins courageux ; arrivant au pied du talus qu’il faut gravir, sous une grêle de projectiles, pour atteindre un retranchement palissadé protégeant le boulevard, elle avise maître Jean : ni lui ni ses coulevriniers, bonnes gens d’Orléans, n’avaient reculé d’une semelle depuis le commencement de l’assaut ; ils se disposaient à franchir la douve du fossé du côté de l’ennemi.


  1. Journal du siége d’Orléans, t. III, p. 171.