cension, il serait outrageusement impie d’aller au combat, et que le conseil se réunirait seulement vers le milieu du jour, afin d’aviser aux déterminations à prendre[1]. »
Cette décision déplorable donnait aux Anglais le temps de se remettre de leur défaite et risquait de perdre les fruits de la première victoire de Jeanne. L’aveuglement, la perfidie ou la couardise de ces gens de guerre l’indignèrent ; navrée, elle se retira dans sa chambre, où, pleurant, elle s’agenouilla, suppliant ses bonnes saintes de la conseiller. Puis, les yeux encore mouillés de larmes, que Madeleine, sa compagne, essayait, triste et surprise, ne pouvant comprendre la cause des chagrins de son amie après une si glorieuse journée, Jeanne s’endormit, évoquant dans sa pensée, afin de se réconforter, ce passage de la prophétie de Merlin déjà si miraculeusement accomplie :
« — Oh ! que je vois de sang ! que je vois de sang !… Il fume ! sa vapeur monte, monte, comme un brouillard d’automne, vers le ciel, où gronde la foudre, où luit l’éclair !...
» — À travers ce brouillard sanglant, je vois une vierge guerrière ; blanc est son coursier, blanche est son armure…
» — Elle bataille, bataille et bataille encore, au milieu d’une forêt de lances, et semble chevaucher sur le dos des archers ennemis ! »
Jeanne, malgré l’ingénuité de son caractère loyal, ne pouvait plus douter du méchant vouloir ou de la jalousie des chefs de guerre à son égard ; ils invoquaient hypocritement la sainteté du jour de l’Ascension, afin de paralyser, grâce à leur inertie calculée, les desseins de la guerrière. En cette extrémité, elle demanda conseil à ses voix mystérieuses ; plus que jamais elles furent celles de son excellent jugement, de son patriotisme et de son génie militaire. Ces voix mystérieuses lui répondirent :
- ↑ Chronique de la Pucelle, p. 225.