Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/190

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bout dans le chœur de la basilique et s’appuyant pensive sur la lance de son étendard, reportait sa pensée à quatre années de là… elle donna une larme à la mémoire de Sybille, sa marraine, se rappelant ce passage de la prophétie de Merlin, désormais accomplie :

« — À la vierge guerrière le cheval et l’armure ; mais à qui la couronne royale ?… L’ange aux ailes d’azur la tient entre ses mains.

» — Le sang a cessé de couler à torrents… la foudre de gronder… les éclairs de luire…

» — Je vois un ciel pur… les bannières flottent… les clairons sonnent… les cloches résonnent… cris de joie ! chants de victoire !

» La guerrière reçoit des mains de l’ange de lumière la couronne d’or ; et un homme portant long manteau d’hermine est couronné par la vierge guerrière…

» — Peu importe ce qui arrive…

» — Ce qui doit être sera…

» — La Gaule, perdue par une femme, est sauvée par une vierge des marches de la Lorraine et d’un bois chenu venue !… »


Écoutez, fils de Joel, cette légende de la plébéienne catholique et royaliste : — Charles VII devait sa couronne à Jeanne Darc… il l’a honteusement reniée, lâchement délaissée ! — Chaque jour elle s’agenouillait pieusement devant les prêtres… leurs évêques l’ont brûlée vive ! — La couardise de la chevalerie avait donné la Gaule aux Anglais ; — le patriotisme de Jeanne Darc, son génie militaire, triomphent enfin de l’étranger… elle est poursuivie, trahie, livrée par la haineuse envie des chevaliers ! — Pauvre plébéienne ! l’implacable jalousie des capitaines et des courtisans, l’ingratitude royale, la férocité cléricale, ont fait ton martyre ! — Sois bénie à travers les âges, ô vierge guerrière ! sainte fille de la mère-patrie ! — Écoutez, fils de Joel, écoutez cette légende, — et jugez à l’œuvre : gens de cour, gens de guerre, gens d’Église et royauté !