Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/210

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ler Jeanne, n’interviendront pas davantage auprès du pouvoir laïque qu’ils ne sont intervenus auprès du pouvoir ecclésiastique. Depuis six mois l’on traîne la Pucelle de prison en prison, est-ce que Charles VII et ses conseillers ont fait l’ombre d’une démarche auprès du roi d’Angleterre en faveur de la captive ? Est-ce qu’ils ne pouvaient pas la réclamer, soit à caution, soit en échange de prisonniers anglais ? Vaines démarches peut-être ! mais elles témoignaient du moins de ce respect de soi, dont les plus noirs ingrats se croient obligés de faire montre.

le chanoine loyseleur. — Cependant, monseigneur, une question… La Jeanne a été prise le 24 mai de l’an passé 1430 ; depuis ce temps, elle est prisonnière. Pourquoi cette lenteur dans l’instruction du procès ?

l’évêque cauchon. — Je vais vous l’apprendre ; vous reconnaîtrez qu’il n’y a point eu de ma faute, jugez-en. La nouvelle de la prise de Jeanne nous arrive le 25 mai au matin ; dès le lendemain, le greffier de l’Université de Paris adresse, par mon ordre, au nom et sous le sceau de l’inquisiteur de France, une sommation à monseigneur le duc de Bourgogne (suzerain de Jean de Luxembourg, dont l’un des écuyers était capteur de la Pucelle), adresse, dis-je, une sommation tendante à ce que ladite Jeanne soit remise à la juridiction dudit inquisiteur, afin d’avoir à répondre, selon la formule, « au bon conseil, faveur et aide des bons docteurs et maîtres de l’Université de Paris. »

le chanoine loyseleur. — Mais, monseigneur, il s’est passé quatre à cinq mois avant qu’il ait été fait droit à la requête de l’inquisiteur ?

l’évêque cauchon. — Ignorez-vous donc que les décisions de l’Université de Paris, corps ecclésiastique cependant engagé dans la politique, exercent une puissante action, non-seulement sur la majorité du haut clergé, qui soutient la domination anglaise, mais encore sur les quelques évêques restés fidèles au parti royaliste ? Or, ceux-ci, cédant au torrent de l’opinion, n’avaient-ils pas déclaré, par