Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/215

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seiller en qui elle aura toute créance dicte à Jeanne certaines réponses capables d’entraîner sûrement sa condamnation.

le chanoine loyseleur. — Monseigneur, cette fille est, selon vous, d’un esprit au-dessus du commun et douée d’un rare bon sens… comment espérer qu’elle ira se livrer aveuglément à un conseiller inconnu ?

l’évêque cauchon, riant. — Mon fils en Christ, quel est votre nom ?

le chanoine, surpris. — Je m’appelle Nicolas Loyseleur, vous le savez, monseigneur.

l’évêque cauchon. — Oui ; et je crois ce nom véritablement prédestiné…

le chanoine loyseleur. — Prédestiné ?…

l’évêque cauchon, riant. — Sans doute… Dites-moi, chanoine, de quelle façon l’adroit oiseleur pratique-t-il la pipée pour attirer à lui la défiante perdrix, afin de la mettre en son sac ? Il imite subtilement le ramage de l’oiselle, et celle-ci, sans plus de crainte, croyant au voisinage de l’une de ses pareilles, accourt à la voix trompeuse et tombe dans le piège… Or, mon digne chanoine, l’apôtre saint Pierre était pêcheur d’hommes, vous serez oiseleur de femmes… Ad majorem Ecclesiæ gloriam !

le chanoine loyseleur, après avoir réfléchi un instant. — J’entrevois vaguement votre pensée, monseigneur ; mais je ne la saisis point complètement…

l’évêque cauchon. — La Pucelle arrive demain matin au château de Rouen… son cachot, ses fers sont préparés… Eh bien, digne chanoine, il faut que demain matin, en entrant dans son cachot, elle vous y trouve.

le chanoine loyseleur. — Moi !

l’évêque cauchon. — Vous… Et de plus, vous aurez les fers aux mains et aux pieds, vous vous lamenterez, vous gémirez sur la cruauté des Anglais, sur ma dureté à moi, évêque, qui souffre que