égal à nier, à renier la Pucelle et à la faire brûler… Elle le sera, quand je devrais moi-même allumer le bûcher !
l’évêque cauchon, riant. — C’est trop de zèle, cher chanoine ! Notre douce et sainte mère l’Église, dans sa miséricorde infinie, envoie les gens au bûcher, mais ne les brûle point de ses mains maternelles ; ceci regarde le grossier temporel… Or, grâce à votre concours, uniquement spirituel, il en sera ainsi de Jeanne ; elle sera rôtie comme hérétique relapse ; et l’Église catholique se sera montrée jusqu’à la fin pleine de clémence, de tendresse pour l’impénitente endurcie… Là sera notre triomphe, il aura des suites d’une extrême importance auxquelles vous ne songez peut-être pas. Oui, Jeanne deviendra, même aux yeux de ses fanatiques, la plus méprisable des créatures… nous la tuons matériellement et moralement… nous brûlons son corps et nous flétrissons à jamais sa renommée !
le chanoine loyseleur. — Comment donc cela, monseigneur ?
l’évêque cauchon. — Demain, je vous prouverai ce que j’avance ; nous chercherons aussi à tirer bon profit pour nos desseins de l’ombrageuse chasteté de cette diablesse, puisque, Dieu me pardonne, elle est encore vierge ! Mais la soirée s’avance, allons prendre quelques heures de repos, mon fils ; il faut que demain, au point du jour, vous soyez dolent, gémissant, les fers aux pieds et aux mains, couché sur la paille dans le cachot de Jeanne.
Le chanoine sort, l’évêque reste seul, occupé à préparer les pièces du procès et de dresser une série de questions basées sur les actes et les paroles de Jeanne-la-Pucelle.
Il fait encore nuit, une lampe éclaire faiblement les ténèbres du cachot souterrain de la vieille tour du château de Rouen. Imaginez, fils de Joel, une sorte de cave semi-circulaire ; ses murs verdâtres suintent la glaciale humidité de l’hiver ; une étroite meurtrière, gar-