Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/220

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au grand air, en plein soleil, a disparu. Son beau visage, étiolé par la souffrance, creusé par la maigreur, est d’une pâleur maladive ; un sourire amer contracte ses lèvres. Son regard est triste et fier ; ses grands yeux noirs semblent encore agrandis par la cavité de ses joues blémies. Elle porte une capeline de feutre, une tunique brune, des chausses étroites nouées à son pourpoint par des aiguillettes ; les lacets de ses bottines de cuir sont cachés par deux gros anneaux de fer garnis de chaînons à peine assez longs pour qu’elle puisse faire deux pas ; des menottes fortement serrées collent ses mains l’une à l’autre. Ses vêtements, usés, délabrés par le voyage, déchirés aux coudes, laissent apercevoir par ces déchirures une chemise sordide ; les soldats anglais chargés de la garde de l’héroïne avaient ordre de ne la quitter ni jour ni nuit, de coucher dans sa chambre lors des haltes, peu nombreuses, qu’elle faisait en chemin ; aussi n’a-t-elle jamais voulu, par pudeur, se dévêtir devant ses gardiens… et le voyage a duré plus d’un mois !

John ordonne à ses aides de déferrer l’héroïne et de la ferrer de nouveau ; ils s’approchent d’elle avec une défiance mêlée de crainte : elle est sorcière à leurs yeux ; ils redoutent quelques maléfices. Cependant ils commencent d’abord par la ceindre à la hauteur de la taille de la large et lourde ceinture de fer, brisée par des charnières dont les branches sont ensuite refermées au moyen d’un cadenas ; la clé est remise à John. La dimension de la chaîne, scellée d’un côté au mur et de l’autre rivée à la ceinture de la captive, lui permet de s’asseoir ou de s’étendre sur sa litière. L’un des geôliers s’occupe alors du déferrement ; il frappe à coups de marteau un ciseau appliqué sur la clavette qui rive les menottes, elles tombent des mains de Jeanne Darc, dont les poignets sont bleuâtres de meurtrissures ; elle étire avec un soupir de soulagement ses bras endoloris et gonflés. Les geôliers déferrent ensuite ses pieds, pour les ferrer de nouveau à l’aide d’anneaux et d’une lourde chaîne traversant la poutre fixée à l’extrémité de la couchette, où la guerrière, accablée de fatigue, d’af-