Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/225

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moments sont précieux, l’on va peut-être m’arracher d’ici, je ne sais si je vous reverrai jamais, sainte fille… Prêtez-moi toute votre attention, retenez mes avis, ils peuvent vous sauver. Sachez que demain, aujourd’hui, peut-être, enfin je ne sais quand !… Dieu me préserve d’avoir l’oreille de ces faux prêtres du Christ, notre divin maître !… sachez, dis-je, que vous serez traduite devant un tribunal ecclésiastique, sous l’accusation d’hérésie, de sorcellerie.

jeanne darc. — Les Anglais qui m’ont amenée ici prisonnière m’ont menacée de ce tribunal.

le chanoine loyseleur. — Malheureusement, cette menace n’est pas vaine… Hier, notre geôlier m’a dit : « — Tu auras bientôt pour compagne de prison Jeanne la sorcière ; elle sera jugée, condamnée, brûlée comme magicienne et hérétique, par nos seigneurs les clercs, et livrée aux flammes ! »

jeanne darc, frémissant. — Mon Dieu !…

le chanoine loyseleur. — Qu’avez-vous, chère et sainte fille ?

jeanne darc, frissonnant et accablée. — Mon père, que Dieu me soit en aide !… Grâce à lui, je n’ai jamais à la guerre connu la peur… (cachant sa figure entre ses mains avec un mouvement d’épouvante) mais brûlée !… Seigneur Dieu ! brûlée !…

le chanoine loyseleur. — C’est affreux, pauvre chère fille ! et vous n’avez que trop raison de craindre ; le but du tribunal est de vous envoyer au bûcher !…

jeanne darc, d’une voix étouffée. — Des prêtres, pourtant !… Quel mal leur ai-je fait à ces prêtres ?…

le chanoine loyseleur. — Ah ! ma fille, ne blasphémez pas ce saint mot en l’appliquant à ces tigres altérés de sang et vendus aux Anglais !… Eux ! des prêtres !… Dieu juste ! (avec dignité) s’ils le sont, que suis-je donc, moi ?…

jeanne darc. — Pardon, mon bon père !

le chanoine loyseleur, d’une voix empreinte d’une tendre commisération. — Douce et chère fille, pouvez-vous redouter un mot de