Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/229

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dans le piége que l’on vous tendra sans doute, je voulais vous montrer la salutaire importance de mes conseils.

jeanne darc, essuyant ses pleurs, reprend avec l’accent d’une profonde reconnaissance. — Dieu vous récompensera, mon bon père ! vous me témoignez une si grande pitié… Pourtant, je vous suis inconnue…

le chanoine loyseleur. — Inconnue ?… Vous, la gloire de la France !… vous, l’élue du Seigneur !… vous, la… (Il s’interrompt et continue d’une voix plus basse.) Mon Dieu !… à chaque instant je tremble que l’on vienne m’arracher d’ici… avant la fin de cet entretien… J’achève ; écoutez-moi bien, pauvre enfant ! Je vous ai démontré le péril de mort où vous courez si, abusée par de perfides suggestions et espérant vous sauver, vous répondez à vos juges, selon leur secret désir, que vous croyez avoir vu vos saintes vous apparaître, que vous croyez avoir entendu leurs voix, au lieu d’affirmer résolument, invinciblement, et toujours et sans cesse, et quoi qu’on vous dise, que vous avez vu des yeux de votre corps, entendu des oreilles de votre corps, sainte Catherine, sainte Marguerite et Michel archange…

jeanne darc. — Il en est ainsi… c’est la vérité, mon père… Je la dirai ; je n’ai jamais menti…

le chanoine loyseleur. — Oh ! je le sais, pauvre enfant ; mais cette vérité, il faut la confesser hautement, hardiment, à la face de vos juges… les forcer ainsi de vous croire, grâce à votre inébranlable assurance ; leur répondre, et j’insiste à dessein là-dessus : « — Oui, j’ai vu de mes yeux ces êtres surnaturels ; oui, j’ai entendu de mes oreilles ces paroles surnaturelles. » Alors, chère fille, qu’arrive-t-il ? Le tribunal, malgré son méchant vouloir, ne pouvant surprendre la moindre hésitation dans vos réponses, est forcé de reconnaître en vous la vierge sainte, l’élue, l’inspirée du ciel ! et si pervers, si dévoués aux Anglais que soient ces méchants, la vérité céleste se manifestant par votre bouche, ils sont obligés d’ajouter foi à vos paroles,